Cannes 2013 : THE IMMIGRANT / Critique

25-05-2013 - 10:26 - Par

De James Gray. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis (officiel) : 1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance et l’espoir de jours meilleurs. Mais c’est sans compter sur la jalousie de Bruno…

James Gray est l’illustre oublié des palmarès. Chaque film qu’il présente sur la Croisette est minutieusement ignoré par les jurés de manière souvent injustifiable. Ce serait donc un comble qu’avec THE IMMIGRANT, le sortilège soit brisé : il s’agit probablement là de son œuvre la plus convaincante et la moins subtile (quoique la rédaction soit partagée sur ce sujet pour être honnête). Plombé par une atmosphère morbide, aussi lourde que le ciel du New York hivernal de 1921 sous lequel se déroule l’histoire, le long-métrage de James Gray pâtit d’un manque terrible de chair, de chocs, de vie, alors qu’il s’affiche paradoxalement comme un grand mélodrame. Tout y est terriblement sinistre, notamment dans l’interprétation d’un Joaquin Phoenix pataud et d’une Marion Cotillard à la voix chevrotante et à la diction trop souvent mécanique. Cette dernière incarnant une immigrée polonaise, Ewa, parlant un anglais de facture correcte, d’aucuns penseraient donc naturel qu’elle joue l’hésitation monocorde des étrangers qui cherchent leurs mots. Mais elle n’est que le reflet d’un film pas tant misérabiliste que souvent plaintif, duquel on retient nombre de complaintes bégayantes. Une explication ? Son personnage, une fois arrivée sur le sol américain, est séparée de sa sœur, recluse en quarantaine à cause d’une infection pulmonaire. Le but d’Ewa alors est de pouvoir la délivrer de l’hôpital avant que les autorités ne la renvoient en Pologne. Pour ce faire, il lui faut trouver de l’argent rapidement afin que son protecteur – et maquereau à ses heures – puisse corrompre les gardiens de Ellis Island. C’est chez la jeune femme une obsession, alors elle ne cesse de le répéter, encore et encore, parfois jusqu’à épuisement du spectateur. D’autant que cela confère au film une dimension monomaniaque appauvrissant son éventuelle richesse thématique. Seul rayon de soleil dans ce film noir à l’excès, Jeremy Renner (qui incarne un magicien tentant de sauver la jeune polonaise de son cauchemar américain), toujours aussi jovial, lumineux et précis, asseyant totalement son aura chevaleresque – à la limite du narcissisme. Les scènes l’impliquant sont autant de salutaires respirations et face à lui, Marion Cotillard parvient à resplendir. Ce sont de courts moments, notables mais trop rares. Il est pourtant certain que malgré tout le lugubre, Gray aurait pu tirer un meilleur film : en atteste une dernière scène de confrontation explosive et bouleversante entre la Française et Joaquin Phoenix et un plan final dont le symbolisme exhale une grâce enfin totale. En troquant ses héros masculins virils et ultrasensibles pour une héroïne dont la force de caractère est mal dépeinte, le réalisateur a perdu de cette magie qui faisait de sa filmo une filmo exemplaire. En revanche, THE IMMIGRANT aurait sûrement gagné à être présenté plus tôt pendant la quinzaine, tant son rythme et sa forte teneur atmosphérique restent extrêmement exigeants.

De James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner. Etats-Unis. 1h59. Sortie le 27 novembre

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