Cannes 2013 : ALL IS LOST / Critique

22-05-2013 - 20:50 - Par

De J.C. Chandor. Sélection officielle, hors compétition.


Synopsis (officiel) : Dans le film ALL IS LOST, Robert Redford, récompensé aux Oscars, joue un homme confronté aux éléments après que son voilier ait été accidenté en haute mer. Écrit et réalisé par J.C. Chandor (Margin Call), cité aux Oscars, avec une bande originale signée Alex Ebert (leader du groupe Edward Sharpe & The Magnetic Zeros), le film est une ode brutale et poignante à l’ingéniosité et à l’endurance humaines. Au cours d’un voyage en solitaire à travers l’Océan Indien, un homme (Robert Redford) découvre à son réveil que la coque de son voilier de 12 mètres a été percée lors d’une collision avec un container flottant à la dérive. Privé de sa radio et de ses instruments de navigation, l’homme se laisse prendre dans une violente tempête. Malgré ses réparations, son génie marin et une force physique défiant les années, il y survit de justesse. Avec un simple sextant et quelques cartes maritimes pour établir sa position, il doit se laisser porter par les courants pour espérer se rapprocher d’une voie de navigation et héler un navire de passage. Mais le soleil implacable, la menace des requins et l’épuisement de ses maigres réserves obligent ce marin forcené à regarder la mort en face.

Et si l’un des films les plus audacieux, les plus rigoureux et les plus poignants de la Sélection officielle, était là, hors compétition ? Presque entièrement dénué de mots, mettant en scène un vieil homme contre la mer après que son bateau a percuté un container perdu par un cargo, ALL IS LOST prouve que tout n’est pas perdu pour le cinéma « de taille raisonnable ». Ni truc indé, ni blockbuster. Car outre le capital risque d’un tel projet (un seul personnage, un tournage aquatique et pas de dialogue, donc) pourtant validé par une batterie de financiers et de producteurs – extrêmement lucides sur le potentiel magique du film –, on assiste à l’épanouissement d’un grand auteur qui, après le brillant MARGIN CALL, a balayé les courbettes de l’industrie pour s’en tenir à ce deuxième film. Un deuxième film qui, comme son prédécesseur, est en ligne claire et pourtant, d’une sophistication éblouissante. Voilà donc le grand Robert Redford face à un naufrage certain : ALL IS LOST raconte une quête de survie extraordinaire, passant par des gestes d’une banalité totalement antispectaculaire (plier une voile, sécher, écoper, nettoyer, ranger et tout recommencer…). Des petits riens qui sont pourtant des actes salvateurs, exécutés avec détermination et desquels se dégagent une dramaturgie exceptionnelle. Dans le refus permanent du sensationnalisme, Chandor prive les deux tiers de son film de toute musique (ou presque). Il ne capte que le chaos de la mer, le fracas des éléments qui se déchaînent. Quel talent faut-il avoir pour filmer pendant 1h45 un sexagénaire aux mains tremblantes ne jamais abandonner face à la mort et ne jamais laisser son récit bégayer ou l’intérêt se déliter ? Il faut avoir une science poussée du storytelling, une confiance aveugle en l’intelligence et la patience du public. Quel acteur faut-il être pour provoquer chez le spectateur une empathie immédiate pour un personnage dont il ne sait littéralement rien ? Il faut être Redford, idole qui charrie avec lui tout un pan du cinéma, une figure familière au visage buriné qui convoque l’héroïsme et la fragilité en même temps. Asséché de tout maniérisme, ALL IS LOST est un film pur, aux antipodes des exigences de l’industrie d’aujourd’hui, se foutant des codes du genre survival (auquel il appartient pourtant) pour le bien de la puissance de son histoire. Il est riche de sa simplicité, sublime dans sa poésie minimaliste. Il est comme une magnifique anomalie qui retrouverait l’essence du cinéma. On est d’ailleurs encore sous le coup de l’émotion.

De J.C. Chandor. Avec Robert Redford. États-Unis. 1h45. Prochainement

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