Cannes 2013 : SHIELD OF STRAW / Critique

20-05-2013 - 19:35 - Par

De Takashi Miike. Sélection officielle, en compétition.


Synopsis (Allociné) : Ninagawa est un puissant homme politique japonais. Sa petite-fille est assassinée et le suspect se nomme Kunihide Kiyomaru. Un homme qui a déjà tué par le passé. Trois mois plus tard, Ninagawa décide de poster des annonces dans trois grands journaux, explicitant qu’il offre une très grande récompense à l’homme qui tuerait ce meurtrier. Craignant pour sa vie, Kunihide se rend à la police. Mais la récompense proposée par Ninagawa attire les foules… Ce qui ne facilitera pas le transfert du prisonnier.

La romance entre Takashi Miike et la sélection officielle du Festival de Cannes est assez récente : venu pour la première fois en 2011 en compétition pour l’inutile remake HARA-KIRI, il avait redressé la barre l’an passé en présentant hors compétition la comédie musicale teenage AI TO MAKOTO, plutôt réussie. Rien qui ne tutoyait toutefois les sommets de sa carrière que sont notamment AUDITION, ICHI THE KILLER ou DEAD OR ALIVE. Mais rien qui, non plus, ne nous avait préparé au grand n’importe quoi qu’est SHIELD OF STRAW. Avec un point de départ des plus réjouissants – lorsqu’un vieillard richissime offre un milliard de yens à qui tuera l’assassin de sa petite fille, ce dernier se rend et force ainsi la police à le protéger – SHIELD OF STRAW avait tout, sur le papier, pour offrir à la compétition cannoise son shot d’adrénaline et venir gentiment se frotter aux œuvres dites plus respectables, sans avoir l’air d’y toucher. Pour rester poli, Miike ne remplit à aucun moment son contrat. Lui qui, même dans des œuvres aussi barrées et marquées que CROWS ZERO, parvient toujours à aligner des idées stylistiques fantastiques, signe avec SHIELD OF STRAW l’un de ses opus les plus pauvres, autant en termes de mise en scène, de découpage, de photographie, de production design que de montage. Le pire n’étant pas cette banalité esthétique mais bien le storytelling, véritable désastre digne d’une mauvaise parodie. Outre une sur dramatisation passablement ridicule – le score oscille entre du Bernard Herrmann pour les nuls à du Hans Zimmer de supermarché –, SHIELD OF STRAW se révèle surtout un parangon de didactisme irritant. Chaque action se voit ainsi expliquée dans le moindre détail par des personnages qui y perdent toute chair ou véracité – quand ils ne prennent pas des décisions d’une absurdité risible. Cerise sur le gâteau, ils répètent toutes les quinze minutes le « grand » nœud dramatique du film (« Pourquoi risquer nos vies pour protéger cette ordure de tueur d’enfants ? »), en une sorte de bégaiement laissant la désagréable impression que l’on nous prend passablement pour des idiots. Alors évidemment, SHIELD OF STRAW pourra toujours être vu comme le portrait d’un Japon en crise, autant financièrement que moralement, qui voit sa société se désagréger dans la violence. Mais ce thème – qu’il partage avec A TOUCH OF SIN, aussi en compétition – n’est ici abordé que dans le surlignage pathos et complaisant. Rarement aura-t-on été témoin d’un tel gâchis, au point que l’on se réjouirait presque qu’un remake américain vienne enfin exploiter la très bonne idée de départ du film. C’est dire.

De Takashi Miike. Avec Nanako Matsushima, Tatsuya Fujiwara, Takao Osawa. Japon. 2h05. Prochainement

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