Cannes 2013 : THE MAJOR / Critique

22-05-2013 - 15:05 - Par

De Yury Bykov. Semaine de la critique.

Synopsis (officiel) : Un jour d’hiver, Sergey Sobolev, un commandant de police locale, est en route vers l’hôpital où sa femme s’apprête à accoucher. Surexcité, il conduit trop vite et renverse un enfant qui meurt à la suite de l’accident. Le commandant a deux options : aller en prison ou cacher le crime. Sobolev décide alors de compromettre sa conscience et appelle un collègue pour l’aider. Mais l’affaire se complique et quand Sobolev change d’avis et décide de se racheter, il est déjà trop tard…

Comme si le thriller à l’efficacité toute occidentale s’était marié au brûlot typique des pays à la démocratie chancelante, le film de Yury Bykov cavale à un rythme fou et fait l’état des lieux d’une corruption ordinaire qui peut gangréner un état de droit. C’est enragé que le réalisateur dépeint un pays qui sacrifie la justice sur l’autel de la cause. Pas de grands discours ici : les ripoux de la police, la petite politique crasseuse et l’abus de pouvoir sont justement le point de départ de THE MAJOR, les intelligents prétextes à la tragédie d’un flic qui, en voulant sauver sa peau, va déclencher une spirale de violence que rien ne peut arrêter. La caméra suit de près, souvent sans couper, cet homme dont les raisons de vivre (sa femme et son nouveau-né qui l’attendent à l’hôpital) sont seulement évoquées oralement, et totalement privées de représentation à l’écran. Sergey est ainsi montré comme le jouet d’un système, seul contre tous, à qui l’on nie le droit de se rendre et d’être jugé. Puisqu’on le condamne à être une victime alors qu’il est le bourreau, il va partir à la quête d’une rédemption intime et personnelle. Malgré les amitiés, malgré son statut de supérieur au sein de la police, il va se confronter à la folie d’une corporation crapuleuse et de ceux qui, dociles, exécutent les ordres. Moralement kafkaïen – ce qui nous a forcément rappelé la détresse prégnante du DANS LA BRUME de Sergei Loznitsa, bien que les films soient aux antipodes formelles et contextuelles –, THE MAJOR se débat entre les bâtiments délabrés par des années de communisme et les grands espaces enneigés qui étouffent toutes les contestations. Et si en ce sens, c’est un pur produit de son pays, le film a pourtant l’ambition d’être un vrai thriller, régi par le souci du cinéma accrocheur, vif dans sa mise en scène, nerveux dans son interprétation, violent et avide de rebondissements. La réjouissante surprise de cette Semaine de la Critique.

De Yury Bykov. Avec Denis Shevod,
Irina Nizina,
Ilya Isaev. Russie. 1h39. Prochainement

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.