INTERVIEW : Damon Lindelof

04-06-2013 - 14:22 - Par

La fin de LOST ? C’est lui, le responsable. Le script de PROMETHEUS ? Il est l’unique fautif. Le scénariste Damon Lindelof a toujours bon dos. Au pire, les geeks le détestent. Au mieux, ils le craignent. Ici, on l’aime bien. Entretien vérité avec l’un des auteurs / producteurs de STAR TREK INTO DARKNESS.

Interview publiée dans Cinemateaser Magazine n°24, en kiosque jusqu’au 11 juin

Vous étiez simplement producteur sur le premier STAR TREK, vous rajoutez la carte de scénariste pour INTO DARKNESS. Pourquoi ?
Quand le premier film était en fabrication, je gérais LOST, je n’avais donc pas le temps nécessaire à consacrer à STAR TREK. J’étais un membre actif du processus d’écriture, comme J.J. (Abrams, ndlr), mais ce sont Alex (Kurtzman, ndlr) et Bob (Orci, ndlr) qui ont écrit le film et ils sont crédités comme tels. Mais quand le film a été fini, on s’est regardés et on s’est dit : Alex et Bob ont écrit mais ils ont aussi effectué beaucoup de boulot de production. Et j’avais beau être producteur, j’ai abattu pas mal de taf au niveau de l’écriture. Pour nous, cela reflétait davantage la vérité si, sur STID, nous étions tous scénaristes et tous producteurs.

Avec ALIEN pour PROMETHEUS, STAR TREK est le deuxième mythe que vous récupérez. Prendre un phénomène-phare de la pop culture et le retravailler, ça vous branche particulièrement ?
Quand en 2006, Bryan (Burk, le producteur, ndlr) m’appelle, il me dit : ‘Prendre les rênes de STAR TREK, est-ce quelque chose qu’on devrait faire ?’. Je réponds : ‘Toi et J.J. ? Ou tu veux dire moi aussi ?’. C’est vrai, on bossait sur LOST ensemble… Mais je ne suis pas un membre officiel de Bad Robot (la société de J.J. Abrams, ndlr), même si je fais partie de la même famille créative. La première chose que je me suis dit alors, c’est ‘j’ai une opportunité de faire partie de cet univers Star Trek, j’ai grandi avec, je l’adore, je suis fan. Je veux faire partie de ce truc. Si je ne franchis pas le pas, je vais rester simple spectateur. Et je ne cesserai de me demander ce que j’aurais fait si j’avais été à leur place’.

Bosser sur du matériel préexistant, est-ce plus ou moins excitant que de livrer un travail original ?
C’est différent. Quand vous faites quelque chose d’original, qui n’appartient qu’à vous, l’excitation est brève : elle intervient au moment où vous avez l’idée. Et pour LOST, qui est le principal travail original que j’ai livré, il n’y avait rien d’excitant. Être en terrain vierge, c’était juste… terrifiant. STAR TREK, c’est plus confortable car c’est un domaine que je connais bien. Avec l’équipe, on peut y insuffler notre propre point de vue tout en respectant la franchise. En revanche, après, viennent : ‘les gens vont me détester’, ‘je vais tout foirer’, ‘je mérite pas ça’, ‘on aurait jamais dû faire ça de toute façon, on surexploite un truc, on ne peut rien faire de mieux qu’avant’. Alors aujourd’hui, quand je reçois une proposition de faire un reboot ou un sequel, je suis bien plus réticent qu’en 2006.

Comment vivez-vous cette relation d’amour/haine que vous entretenez avec les fans ?
Ça me touche beaucoup, car je suis un fanboy, moi aussi. Autant qu’un storyteller de métier. Même si je le voulais, je ne pourrais éviter de tomber sur des articles online qui parlent de mon boulot. ‘Hey, je lis, vous savez, je sais ce que vous dites derrière mon dos’. Je dois être digne face aux critiques. Ce ne serait pas professionnel de ma part de dire que ‘moi non plus, j’ai pas aimé le résultat de ce truc sur lequel j’ai bossé’… Mais en fin de compte, quand vous considérez tout ce que ça demande de créer un film, toute la tambouille interne, c’est un miracle quand ça tourne bien. Quand je vois THE DARK KNIGHT, je me dis qu’il y a tellement de choses qui auraient pu aller de travers, et qui ont filé droit !

Vous referiez LOST différemment ?
Sachant ce que je sais maintenant ? Non, absolument pas. Est-ce que je souhaiterais que certaines choses soient différentes ? Bien sûr. Je ne changerais la toute fin pour rien au monde, mais le cheminement pourrait être différent.

Tirez-vous une certaine fierté d’être l’un des auteurs les plus connus pour souvent les mauvaises raisons et, plus rarement, les bonnes ?
Vous ne pouvez pas avoir l’un sans l’autre. J’ai été naïf quand j’ai pris le boulot sur PROMETHEUS : je pensais que tout le monde se foutrait que je travaille dessus. En plus, je me disais que si j’écrivais le film qu’on voulait que j’écrive, personne ne pourrait me blâmer. J’écrivais juste le film de Ridley (Scott, ndlr). Alors j’ai été très surpris quand les gens qui n’aimaient pas le film m’ont jeté la pierre. Et à l’inverse, je ne comprenais pas qu’on dise que c’était grâce à moi que le film était bien. Les scripts sont disponibles sur le Net, vous pouvez voir ce que John Spaihts (scénariste original de PROMETHEUS, ndlr) a écrit et ce que j’ai écrit : j’ai juste inséré une idée que Ridley voulait vraiment voir dans le film. Mais il a toujours voulu une ‘origin story’, il tenait vraiment à ce que ce soit une fable sur ‘les créateurs’. Et à l’idée que peut-être les aliens étaient responsables de la création des humains. J’ai mis ça sur le papier, mais ce n’était pas de moi. Ça m’a conforté dans l’idée de faire davantage de scripts originaux, parce que quitte à prendre les coups, je veux les prendre pour quelque chose qui vient vraiment de moi.

Comment vous voyez-vous évoluer ?
Quand les gens disent sur les réseaux sociaux ‘ça c’est un truc que Lindelof aurait pu faire’, c’est généralement dans le mauvais sens. Ça veut juste dire qu’une question est posée et qu’il n’y aura pas de réponse. Mais au moins la question sera très intrigante. J’aimerais qu’un jour les gens acceptent ma façon de faire les choses. Cette manière ambiguë de raconter une histoire a été très influencée par Lynch. J’adorerais devenir un Lynch plus mainstream. C’est ce que j’ai toujours voulu être.

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