INTERVIEW : Simon Pegg

04-06-2013 - 14:28 - Par

En 2004, avec SHAUN OF THE DEAD, il accédait au statut d’icône geek et a confirmé depuis en devenant une figure incontournable de la pop culture. À l’occasion de la sortie de STAR TREK INTO DARKNESS, il discute avec Cinemateaser de cette suite tant attendue, de sa place dans la famille J.J. Abrams, du cinéma anglais et de THE WORLD’S END, dernier volet de sa trilogie avec Edgar Wright.

Interview publiée dans Cinemateaser Magazine n°24, en kiosque jusqu’au 11 juin

Pour définir la promo de STAR TREK INTO DARKNESS, vous avez parlé de « manœuvres évasives ». Est-ce difficile pour vous de jongler avec le secret qui entoure le film ?
Oui, mais ce qui importe n’est pas tant le secret que le désir de J.J. Abrams de protéger le film et l’expérience du public. Il est évident que l’on obtiendra des réactions bien meilleures de la part d’un spectateur ne sachant rien du tout. Malheureusement, aujourd’hui, les médias souhaitent toujours tout dévoiler en amont, car ils veulent dégoter un scoop que tout le monde va lire. C’est souvent le cas des sites Internet. Donc parfois, lorsque je suis face à des journalistes qui veulent aller sur ce territoire spoiler, je suis obligé d’être évasif ou de clairement dire que je ne peux parler de telle ou telle chose.

INTO DARKNESS a mis du temps à se faire. Était-ce frustrant pour vous d’attendre ou étiez-vous régulièrement mis au courant des avancées du film ?
Les responsables de Bad Robot font tout pour que l’on ne s’excite pas trop vite ! Un soir, en 2010, Chris (Pine, ndlr) et moi avons dîné avec Bryan Burk (le producteur des deux STAR TREK, ndlr). Nous nous étions retrouvés car Chris tournait TARGET et Bryan et moi étions sur le plateau de MISSION : IMPOSSIBLE – PROTOCOLE FANTÔME à Vancouver. Chris et moi, on essayait d’obtenir des infos et on bombardait Bryan de questions. Tout ce qu’il nous disait c’était que le script était en écriture et qu’on serait mis au courant en temps voulu… Après, nous avions des nouvelles au fur et à mesure, mais sur un tel projet, ce n’est qu’au moment du feu vert officiel que les choses s’accélèrent, car on sait que l’on va recevoir un script. Quand je l’ai eu, j’étais à New York pour la promo de PROTOCOLE FANTÔME. Je l’ai lu le soir dans ma chambre d’hôtel et je sautais de joie d’excitation ! (Rires.)

INTO DARKNESS n’est pas votre première suite. Le fait de connaître un personnage facilite-t-il l’exploration en termes d’interprétation ?
Disposer d’une connaissance de base est un bon début. Je pars toujours de là où le film précédent s’est arrêté. Ensuite, je construis là-dessus, je fais évoluer mon personnage en fonction du script. C’est un processus amusant, mais même sur une suite, on découvre toujours de nouvelles choses. Scotty, par exemple, arpente un tout nouveau territoire dans INTO DARKNESS et cela m’a permis d’aborder des facettes inédites de sa personnalité.

Sur MISSION : IMPOSSIBLE et STAR TREK, vous n’êtes pas qu’un ‘comic relief’. Vous êtes aussi un moteur émotionnel. Est-ce le genre de rôles que vous recherchez ou est-ce ainsi que l’industrie souhaite vous utiliser ?
Vous avez raison, mes personnages ne sont pas que drôles, et surtout, ils ne le sont jamais aux dépens du film. Dans MISSION : IMPOSSIBLE, Benji est un nouvel agent, tout juste sorti de l’école et cela entraîne des situations cocasses. Scotty, lui, est de nature très sarcastique. Il est très important pour moi que ces personnages aient une certaine profondeur, qu’ils ne servent pas qu’à balancer des blagues. Si c’était le cas, à la seconde où ils arrêtent de le faire, le public cesserait de s’intéresser à eux. Les sagas MISSION : IMPOSSIBLE et STAR TREK sont désormais cornaquées par J.J., donc j’imagine qu’il a vu cela en moi, qu’il me sent capable de jouer de tels rôles. Et personnellement, j’aime ce genre de personnages.

Les rôles que vous donne J.J. sont bien plus sympathiques, moins losers et moins difficiles à apprécier que ceux que vous vous attribuez chez Edgar Wright…
Oui, c’est vrai ! (Rires.) Dans les scripts que j’écris avec Edgar, je suis un peu le seul mec sérieux dans des films drôles. Dans les scénarios des autres, je suis le mec drôle dans des films sérieux ! (Rires.) C’est une dichotomie assez amusante !

Lorsque sont tombés les premiers poster et trailer d’INTO DARKNESS, beaucoup ont fait le rapprochement avec la saga Batman de Nolan. Trouvez-vous cela approprié ou fatigant à la longue ?
Je ne peux pas nier que le premier poster doit beaucoup à THE DARK KNIGHT. Je saisis très bien la comparaison. Et puis, évidemment, le titre comprend le mot ‘darkness’… Christopher Nolan a pris la décision de faire de THE DARK KNIGHT un film très sérieux, de se saisir d’un univers considéré comme léger – le comic book – et de le baigner dans un esprit très hostile. C’était son choix créatif et cela fonctionnait très bien. Avec INTO DARKNESS, STAR TREK ne va pas soudainement devenir totalement sombre et ardu. Cette suite conserve la même énergie que le premier film, avec ses moments tendres, humoristiques, lumineux. Mais pour ce deuxième film, nous devions accentuer les enjeux dramatiques, la tension et la menace générée par le vilain. Et rien ne suggère cela mieux que le mot ‘darkness’. (Rires.)

Est-ce important pour vous d’utiliser la notoriété que vous apportent les films américains pour continuer à défendre le cinéma britannique ?
Nous autres acteurs anglais sommes chanceux car en raison de notre langue, nous avons accès au cinéma américain. Cela nous permet d’obtenir d’excellents rôles et d’avoir plus de travail. C’est bien plus difficile pour des comédiens français ou allemands. Bien sûr, on voit des acteurs français travailler aux États-Unis, comme Marion Cotillard, coûté pour commencer à engranger des profits. Aujourd’hui, les studios mais généralement, ils incarnent des Français. C’est un peu limité pour eux. Je considère cela comme un privilège et si cela nous permet d’accroître notre notoriété à l’international et de faciliter la mise en chantier de films ici en Grande-Bretagne, tant mieux. Mais je ne prends pas cela pour acquis. Parce que c’est une industrie très concurrentielle.

On dit que c’est de plus en plus difficile de faire des films en Angleterre ?
Oh oui ! C’est très difficile. Ça l’a toujours été. Il n’y a aucun soutien de la part du gouvernement. Nous avons un vivier incroyable de talents, et ce, en dépit d’un certain manque de ressources. Mais je suis très fier du cinéma anglais car même si l’on se bat contre les éléments, nous continuons à faire de bons films. Et des mauvais aussi, comme tout le monde. (Rires.) Le marché et le visage du cinéma ont changé. Les territoires qui représentaient autrefois une certaine manne financière n’en sont plus. Il y a de nouveaux territoires importants, comme la Russie ou la Chine, mais ils veulent surtout voir de gros blockbusters, des films hollywoodiens. Pas des petits films anglais, espagnols ou français… Du coup, c’est de plus en plus complexe de faire des films en Europe car nous trouvons de moins en moins de pays à qui les vendre !

L’un de vos derniers films, THE FANTASTIC FEAR OF EVERYTHING, n’est jamais sorti en France par exemple… Ni en salles, ni en vidéo, juste en festivals…
Oui, je sais… Mais vous savez, THE WORLD’S END a été difficile à financer également. Même si nous avions fait SHAUN OF THE DEAD et HOT FUZZ auparavant, cela nous a pris du temps d’obtenir le feu vert. Tout simplement parce que THE WORLD’S END est très ambitieux et Universal n’était pas prêt à débourser le budget que nous réclamions. Sur le papier, c’est un projet cher et le studio avait peur de ne pas se rembourser. De nos jours, un film doit rapporter trois fois ce qu’il a sont gérés par des businessmen, pas par des créatifs. L’industrie cinématographique est dirigée par des firmes pétrochimiques et d’armement ou je ne sais quoi d’autre ! (Rires.) Donc au final, ils veulent récupérer leurs investissements. Ils s’en foutent du film. Ce n’est pas le cas des gens avec qui on bosse chez Universal, mais ces personnes doivent répondre à leurs supérieurs, qui signent les chèques. L’idée de faire une comédie britannique décalée comme THE WORLD’S END pour plus de 20 millions de dollars – et nous l’avons au final fait pour plus que ça – leur semblait absurde. Et je pense que ça n’arrivera plus jamais. C’est là qu’on comprend pourquoi la 3D et l’IMAX sont tellement à la mode : ils tentent de faire revenir les gens en salles.

On a l’impression que THE WORLD’S END est de loin le film le plus ambitieux que vous ayez fait…
Absolument ! En purs termes financiers, SHAUN OF THE DEAD a coûté six millions de dollars, HOT FUZZ environ dix-sept millions et THE WORLD’S END aux alentours de trente. Il y a donc définitivement un accroissement exponentiel d’ambition et d’ampleur. Mais si le film est aussi bon que je l’espère, cela se verra à l’écran.

Son casting (Martin Freeman, Nick Frost, Paddy Considine et Eddie Marsan) donne à THE WORLD’S END les atours d’un AVENGERS du cinéma anglais…
(Rires.) Je suis bien d’accord ! Quand nous avons monté cette distribution, j’étais tellement heureux. C’était exactement le casting que nous voulions. Tourner tous les cinq était une expérience incroyable, car nous avons obtenu le meilleur les uns des autres. C’était une compétition constante entre nous et en même temps, une poilade perpétuelle.

SHAUN OF THE DEAD et HOT FUZZ parlaient de l’amitié… THE WORLD’S END étant le dernier volet de la Cornetto Trilogy, le voyez-vous comme une sorte de PETER’S FRIENDS ou LES COPAINS D’ABORD ?
C’est drôle parce que lorsqu’Edgar et moi avons commencé à l’écrire, nous le pitchions comme ‘LES COPAINS D’ABORD, à la différence que le mort est là aussi.’ (Rires.) (Le film de Lawrence Kasdan mettait en scène des amis d’université qui se retrouvent à l’enterrement d’un des leurs après quinze ans de séparation, ndlr) Mon personnage, Gary, joue le rôle du mort, en quelque sorte. Donc oui, c’est à nouveau un film sur l’amitié, mais aussi sur le passage à l’âge adulte, sur comment assumer les responsabilités que cela implique. Comme pour SHAUN OF THE DEAD et HOT FUZZ, le récit se focalise également sur la confrontation entre l’individu et le groupe. C’est le cœur des trois films : il y avait Shaun contre les zombies, puis Nicholas contre la Neighbourhood Watch Alliance de Sandford et là, Gary contre ses démons personnels. Je pense vraiment que cela forme une trilogie très homogène.

Dans SHAUN et HOT FUZZ, vous abordiez principalement des genres très précis, mais aussi d’autres plus discrètement cités. On voyait du ASSAUT dans SHAUN, du GODZILLA dans HOT FUZZ… À part le film catastrophe, quels genres allez-vous également aborder dans THE WORLD’S END ?
Au départ, c’est un film de science-fiction catastrophe. Mais nous avons essayé de surprendre tous ceux qui pensent savoir ce qu’est le film… Ce ne sera pas nécessairement plein de références et effectivement, ce ne sera pas qu’un film de fin du monde. C’est une histoire très complexe, mais c’est dur à expliquer !

Sachant que vous êtes un énorme fan d’X-FILES et que la série va fêter ses 20 ans, ce serait l’occasion idéale pour un épisode hommage spécial de SPACED, non ?
(Rires.) Oh oui ! On devrait carrément faire ça !

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