Toronto 2013 : JOE / Critique

11-09-2013 - 15:09 - Par

De David Gordon Green. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan. Special Presentations.

Pitch officiel : Joe Ransom (Nicolas Cage) descend les bouteilles aussi vite qu’il brûle sa vie. Joe est peut-être irresponsable, il n’en est pas moins un travailleur acharné. C’est dans une forêt, où il est employé à abattre les arbres, qu’il fait la rencontre de Gary (Tye Sheridan), un adolescent de 15 ans, et de son père, Wade (Gary Poulter), un alcoolique bon à rien. Pour Gary, tout n’est pas perdu ; il est encore temps pour lui d’emprunter le droit chemin, à condition d’échapper à l’emprise néfaste de son père. Joe l’engage ainsi à ses côtés et, contre toute attente, ils finissent par sympathiser. Le chemin de la rédemption, dans une petite ville du Sud, sera jalonné de soirées en solitaire, de travail réalisé à la sueur du front, de premières bières et de fous armés.

Chef de file d’une jeune génération de cinéastes venant du Sud des États-Unis ou en ayant fait le décor de leurs films (Jeff Nichols, Craig Zobel, Benh Zeitlin…), David Gordon Green, dont le mentor n’était autre que Terrence Malick (ce dernier avait produit L’AUTRE RIVE), continue son exploration de cette région fantasmatique qui l’a vu naître et que le cinéma dépeint souvent comme gangrénée par la violence ou le racisme. Une image que Gordon Green ne véhicule pas nécessairement dans tous ses films « sudistes » (cf le superbe PRINCE AVALANCHE), mais qu’il embrasse avec véhémence dans JOE, dont le pitch rappelle celui de MUD – avec lequel il partage notamment son jeune acteur, Tye Sheridan. Ici, Gordon Green revient aux sources de sa filmographie, et notamment à GEORGE WASHINGTON (son premier long-métrage) ou à L’AUTRE RIVE. Pourtant, si le cinéaste demeure un observateur privilégié de cette Americana fascinante par sa rugosité, le premier acte de JOE s’affiche immédiatement comme poussif : les trois premiers quarts d’heure tirent en longueur, lors de scènes dialoguées bruyantes à la limite du supportable ou de séquences dont l’absurdité ne fonctionne pas toujours. Certes, cette exposition teigneuse tend à bâtir une atmosphère rehaussant le caractère mythologique de Joe, mais jamais Gordon Green ne parvient à donner à son héros l’aura que Jeff Nichols avait offert à son Mud. Il entoure en effet Joe d’un mystère se délitant dans la révélation progressive de détails biographiques inutiles ou décevants, là où la seule présence électrique de Nicolas Cage – dans une de ses plus élégantes prestations depuis longtemps – suffisait à faire de ce personnage âpre mais humain une quasi icône. Pourtant, si Gordon Green ne maîtrise pas totalement les élans chaotiques du portrait de cette Amérique et si le charisme de son protagoniste se dilue parfois dans un naturalisme forcé, JOE n’en demeure pas moins une expérience de cinéma souvent fascinante. La dureté des relations humaines que dépeint avec talent le cinéaste, notamment celle unissant Gary et son père, la précision de la mise en scène ou la façon dont la violence intrinsèque de cet univers se voit dissoute dans l’amitié qui se noue entre l’adolescent et son nouveau mentor, offrent quelques superbes fulgurances de cinéma. En point d’orgue, une balade / virée effectuée par Joe et Gary se terminant dans un cimetière de bateaux où poésie et humour se confondent. Là, le jeune Tye Sheridan confirme qu’après TREE OF LIFE et MUD, il est bien l’une des plus belles choses qui soit arrivée au cinéma américain ces trois dernières années. La profondeur des sentiments qu’il véhicule sans avoir l’air d’y toucher, la force des émotions qu’il suscite chez le spectateur, suffisent pour hisser JOE vers des cimes de lyrisme.

De David Gordon Green. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins. États-Unis. 1h57. Prochainement

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