NO PAIN NO GAIN : chronique

11-09-2013 - 10:17 - Par

Trois neuneus vivent violemment leur rêve américain : Michael Bay pirate sa propre imagerie pour une satire méchamment corrosive.

Qu’il filme deux flics gueulards, la fin du monde sur du Aerosmith, un jour d’infamie de la Seconde Guerre mondiale, des robots géants se foutant sur la bobine ou des pubs pour de la lingerie, Michael Bay n’a jamais hésité à sombrer dans la franche vulgarité. Il aime les grosses caisses, les belles gonzesses en string, la sueur comme phéromone ultime, l’humour scato et les héros dévoués à la bannière étoilée. Ce qui a fait de lui le plus grand cinéaste du mauvais goût, le héraut du ‘America Fuck Yeah’. Son CV est un joyeux bordel, ses films recèlent autant de fulgurances que de dérapages ou d’un talent indéniable pour le spectacle décomplexé. Aussi con puisse-t-il être parfois. Avec NO PAIN NO GAIN, cette esthétique de la vulgarité, que Bay hisse en credo depuis vingt ans, devient le sujet même. Il conte ici une histoire vraie : celle de trois bodybuilders rêvant de dollars et de belle vie, qui échafaudent un plan diaboliquement débile pour usurper un millionnaire de ses biens. Leur leader, Daniel Lugo (Mark Wahlberg, jamais aussi bon que lorsqu’il danse sur le fil ténu de l’hystérie drolatique) associe la beauté physique au patriotisme, fait de la réussite un droit inaliénable. Et Bay de dérouler un récit d’une violence sauvage – kidnapping, torture, meurtre – où le rêve américain, plus qu’un ascenseur social, se fait destructeur de conscience et de moralité. Où le Mal se drape hypocritement de foi religieuse pour avancer – via le personnage superbement campé par un Dwayne Johnson monumental. Où les valeurs américaines finissent hachées menu sur l’autel d’une démonstration sans appel : en faisant croire à leur peuple que tout est possible, les États-Unis créent autant d’arrogants que de décérébrés. Tout le cinéma de Bay est là (alliant ici forme et fond), exposé crûment en un spectacle lancé à toute berzingue et en un ballet hypnotique dont l’ironie souligne l’horreur. Quitte à ne pas savoir s’arrêter : comme s’il ne parvenait pas à faire confiance à son histoire, son public et son talent, Bay se sent obligé de rappeler maintes fois – et maladroitement – qu’il filme ici des faits réels ou d’accumuler les scènes absurdes dont certaines s’avèrent franchement redondantes. Heureusement, dans ce jusqu’au-boutisme parfois nuisible au propos, dans cette façon de rire du pire, Bay ne se pose jamais en moralisateur. Il analyse plutôt avec une sincérité folle les excès d’une culture qu’il aime et qu’il a aidée à ériger. Comme si, plutôt que de s’excuser d’aimer les grosses caisses, les belles gonzesses en string et la bannière étoilée, il préférait faire amende honorable pour tout ce que sa fascination peut engendrer comme névroses chez qui prendrait tout ça trop au sérieux.

De Michael Bay. Avec Mark Wahlberg, Dwayne Johnson, Anthony Mackie. États-Unis. 2h10. Sortie le 11 septembre

 

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