Toronto 2013 : JODOROWSKY’S DUNE / Critique

07-09-2013 - 02:12 - Par

De Frank Pavich. Avec Alejandro Jodorowsky. TIFF Docs.

Il vient de sortir en salles son premier film depuis vingt-trois ans, LA DANZA DE LA REALIDAD. Il est célébré par toute une nouvelle génération de cinéastes, dont le plus fervent n’est autre que Nicolas Winding Refn – qui lui a dédié son ONLY GOD FORGIVES. Alejandro Jodorowsky, cinéaste entré dans la légende avec des propositions de cinéma mythiques et extrêmes comme EL TOPO et LA MONTAGNE SACRÉE, ne risque pas de quitter les feux de l’actualité puisqu’il est également au centre d’un documentaire consacré à l’un de ses projets les plus connus (alors qu’il n’a jamais abouti), DUNE, dans le bien nommé JODOROWSKY’S DUNE. En s’ouvrant sur la citation du professeur Victor Frankl – « Ce qui crée la lumière doit aussi brûler » – le docu met directement les pieds dans le plat : le génie qui sous-tend l’ambition du cinéaste dans son projet d’adaptation du roman de Frank Herbert aura finalement mené à sa combustion. C’est sans doute le propos le plus touchant de ce documentaire à la gloire de Jodo : faire l’éloge de l’ambition, quelle qu’en soit la conséquence. Il faut dire que le père d’EL TOPO n’en manque pas, d’ambition. Avec DUNE, il souhaitait « réaliser un film qui changerait la perception du public » et qui aurait les mêmes effets qu’une prise de LSD. Avec son enthousiasme habituel, Jodo lance ainsi qu’il voulait créer un Dieu, un film sacré et libre. JODOROWSKY’S DUNE, bien que construit globalement de manière linéaire et classique – avec à la clé témoignages et images d’archives – effectue un travail de vulgarisation remarquable, rappelant qui est Jodorowsky, comment le projet DUNE a vu le jour, comment il s’est développé sous l’impulsion d’un appétit créatif monstre, et enfin comment il s’est effondré devant l’incrédulité de l’industrie du cinéma. Ce parcours de film-martyr est conté avec force détails et anecdotes (drôles ou fascinantes) permettant au public d’avoir un peu plus prise sur ce projet avorté, dont l’aura est ici pérennisée. Franck Pavich déterre les storyboards de Moebius et les anime sous nos yeux, dissèque le processus créatif de Jodo et ses envies de casting (David Carradine, Mick Jagger, Dali, Amanda Lear…), ou encore la manière dont il a réuni une équipe de « guerriers spirituels » au talent démesuré : Moebius donc, mais aussi Dan O’Bannon (futur créateur d’ALIEN), H.R. Giger ou Chris Foss. Certes, Jodorowsky bâtit ici sa propre légende et l’on se demande parfois s’il n’enjolive pas quelque peu l’histoire, mais peu importe. Sa passion communicative (« Les films ont du cœur, de l’esprit, du pouvoir ! « ) et son assurance (« Mon scénario violait l’œuvre de Frank Herbert, mais avec amour ») font oublier son outrance. Et JODOROWSKY’S DUNE de s’afficher en documentaire indispensable pour tout cinéphile, ne serait-ce que pour la façon dont il démontre l’influence que le DUNE de Jodo a eu sur la SF hollywoodienne depuis quarante ans. Une gageure pour un film ne s’étant jamais fait et qui se voit ici ressuscité de la plus belle des manières : dans l’imaginaire de chaque spectateur.

De Frank Pavich. Avec Alejandro Jodorowsky, Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn. États-Unis. 1h28. Prochainement

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