Toronto 2013 : DEVIL’S KNOT / Critique

10-09-2013 - 10:02 - Par

D’Atom Egoyan. Avec Colin Firth, Reese Witherspoon. Special Presentations.

Pitch : Dans une petite ville américaine, trois jeunes enfants sont découverts morts et mutilés dans un ruisseau. Très vite, trois adolescents sont arrêtés et accusés de ces meurtres, que l’on pense à connotation sataniste. Leur procès commence et il ne fait aucun doute qu’ils seront condamnés à de lourdes peines. Un détective privé (Colin Firth) décide d’aider les avocats des trois jeunes à découvrir la vérité.

Déjà traité extensivement dans une trilogie de films documentaires pour HBO (PARADISE LOST) et dans le formidable documentaire d’Amy Berg WEST OF MEMPHIS (lire Cinemateaser Magazine n°27 actuellement en kiosque), l’affaire des West Memphis Three est l’une des erreurs judiciaires les plus retentissantes de ces trente dernières années aux États-Unis. Outre PARADISE LOST et WEST OF MEMPHIS, elle a été la source d’un nombre incalculable de reportages et articles. Pour en tirer un pendant fictionnel destiné au cinéma, il fallait donc 1/regorger d’imagination et 2/apporter un point de vue suffisamment fort pour ne pas sombrer dans la redite ou la paraphrase. DEVIL’S KNOT ne remplit aucune de ces deux conditions. Les moments les plus intenses du premier acte – la découverte des corps, la réaction des parents et de la communauté – sont abordés avec une emphase poussive, sans audace ni tact. Puis, il devient apparent qu’Atom Egoyan ne sait ni où aller, ni comment mener son récit. Les différents éléments de l’enquête sont introduits maladroitement ou de manière lourdement didactique (avec des sous-titres ou des cartons expliquant ce qui se déroule à l’écran) : un handicap évident à la fluidité de la narration. Se crée alors un flou entre réalité et fiction, poussant peu à peu DEVIL’S KNOT vers un ersatz de docu fiction peu maîtrisé, où les faits sont présentés avec plus ou moins de précision et de clarté, sans réel point de vue – social ou émotionnel. Les séquences se succèdent sans qu’Egoyan soit capable d’établir ses personnages : ils ne sont que des coquilles vides, des clichés ambulants. Chaque moment s’intéressant à leur psychologie ou à leur vie quotidienne semble forcé, traité sans grande finesse. Si bien que DEVIL’S KNOT ne parvient ni à émouvoir avec le portrait de ses protagonistes – surtout qu’il ne donne quasiment pas la « parole » aux accusés, si ce n’est au plus trouble d’entre eux, Damien Echols –, ni à passionner avec l’enquête. Pire, les scènes de procès, genre traditionnellement enlevé et offrant l’opportunité de créer tension et suspense, sont elles aussi laborieuses, comme tirées vers le bas par la crainte d’Egoyan de déraper dans le « divertissement ». Même ce qui aurait pu être un cœur passionnant de l’intrigue – la démonstration de l’erreur judiciaire, de la partialité ou de l’incompétence des autorités – n’est ici qu’à peine effleuré. DEVIL’S KNOT ne se hisse donc même pas à hauteur de film engagé ou de chronique des failles d’un système. Qu’une affaire aussi passionnante, cruelle et révoltante, soit ainsi traitée sans conviction ni élan semble surréaliste. Et donne immédiatement envie de se replonger dans WEST OF MEMPHIS.

D’Atom Egoyan. Avec Colin Firth, Reese Witherspoon, Kevin Durand. Etats-Unis. 1h55. Prochainement.

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