BLUE JASMINE : chronique

25-09-2013 - 11:28 - Par

Fable cruelle sur fond de crise, BLUE JASMINE prouve que Woody Allen n’est jamais plus intéressant que lorsqu’il reste sur le fil, entre comédie amère et mélodrame vachard. Au centre, Cate Blanchett, immense en Blanche Dubois d’aujourd’hui.

Depuis quelques films, on avait un peu perdu Woody Allen, en plein euro-trip. Si on avait toléré le charme de carte postale de son MINUIT À PARIS grâce à son postulat fantastique, son TO ROME WITH LOVE ressemblait plus à une mauvaise pizza surgelée qu’à la dolce vita attendue. On est donc plutôt content d’apprendre que Woody délaisse pour un temps les fantasmes pseudo-exotiques de ses derniers films et pose ses bagages. Ainsi, BLUE JASMINE commence par une descente d’avion. À peine avons-nous foulé le sol que nous découvrons Jasmine, élégante tige qui fait résonner son accent de bourgeoise américaine dans tout l’aéroport. Elle débarque à San Francisco pour séjourner chez sa sœur Ginger, simple serveuse qu’elle méprise. Emporté par la caricature, on l’écoute, amusé, disserter sur sa vie, ses ennuis et tout ce qui lui tombe sous la main. Il fallait bien le charme aristocratique de Cate Blanchett pour nous faire tomber immédiatement amoureux de cette pipelette-là. Mais soudain, la caméra se détourne et ce que l’on prenait pour une conversation d’aéroport se révèle être le monologue pathétique d’une femme seule. La séquence donne le ton d’un film à tiroirs qui, à l’image de son personnage principal, reste difficilement cernable. Si pendant un temps, le récit s’embarque sur les rails du conflit de classe comique opposant la gouaille de Sally Hawkins à la sophistication de Cate Blanchett, il dérive soudain vers la noirceur en s’enfonçant plus profondément dans le passé de son héroïne. Alors, de manière voulue ou non, le fantôme d’ »Un tramway nommé désir » de Tennessee Williams fait surface. C’est comme si Allen réécrivait la célèbre pièce, en la transposant de nos jours, tout en adoptant le point de vue du personnage de Blanche Dubois. À partir de cette intuition, le film retrouve une logique implacable et une force étonnante. Les couples qui s’égarent, Bobby Cannavale en pseudo Brando, la quête du bonheur impossible, la violence qui petit à petit balaie tout, le passé trouble, l’épuisement progressif de l’héroïne, la folie qui guette, tout y est. Le film, comme la pièce, se resserre sur Jasmine / Blanche pour mieux l’étrangler. Mais contrairement à Williams ou à l’adaptation de Kazan, Allen ne cède que peu à l’hystérie. Il préfère filmer avec précision la lente décomposition de son héroïne. Mais miraculeusement, jamais BLUE JASMINE ne la condamne. C’est peut-être là que réside la beauté de ce film mystérieux où la satire et l’empathie ne font qu’un.

De Woody Allen avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Bobby Cannavale. États-Unis. 1h38. le 25 septembre

 

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