PRISONERS : chronique

09-10-2013 - 09:23 - Par

Un thriller efficace aux interprètes impeccables mais qui, à force d’hésitation sur son positionnement moral, ne sait plus sur quel pied danser.

Dans une bourgade américaine anonyme, deux petites filles disparaissent. Le père de l’une d’elles, Keller (Hugh Jackman), considère que le responsable de l’enquête, Loki (Jake Gyllenhaal), a trop vite blanchi celui qu’il pense être le coupable (Paul Dano). Il décide alors de prendre les choses en main… Nommé à l’Oscar du meilleur film étranger pour INCENDIES, le Québécois Denis Villeneuve dévoile avec PRISONERS son deuxième long-métrage américain (ENEMY, tourné avant, n’est toujours pas sorti) et y confirme son indéniable sens narratif et esthétique. En dépit de sa durée (2h30) et d’un rythme évitant toute effusion spectaculaire, PRISONERS se déroule en effet avec une précision redoutable. Chaque piste, observée de deux points de vue différents, l’un pragmatique / objectif (celui du policier) et l’autre plus intime / subjectif (celui des familles), est disséquée jusqu’à épuisement. Jusqu’à ce que les différents regards finissent par se confondre, en un habile jeu de vases communicants. PRISONERS a pour lui une atmosphère délétère de quasi-fin du monde – Keller est d’ailleurs un survivaliste stockant nourriture et masques à gaz dans son sous-sol, un détail qui a son importance dans sa psyché – et une tension extrême, tant physique que psychologique. Il faut reconnaître là tout le savoir-faire de Villeneuve, qui use avec soin du hors-champ et d’une mise en scène clinique, bien aidé par le jeu d’ombres et de contrastes bâti par son chef opérateur Roger Deakins (SKYFALL, NO COUNTRY FOR OLD MEN). Pourtant, PRISONERS tombe vite sur un os de taille : son positionnement moral. Si l’on saisit sans mal les intentions du scénario et du cinéaste – ausculter une certaine Amérique profonde biberonnée à la peur de l’autre, à la paranoïa et plus handicapée qu’aidée par sa foi religieuse –, impossible de ne pas regretter la façon dont PRISONERS danse sur un fil ténu. Car en cherchant l’efficacité narrative du thriller aux rouages bien huilés, PRISONERS joue trop des rebondissements (certains vite éventés) et d’intrigues. Au point que l’absence de distance émotionnelle empêche le spectateur de se confronter lui-même aux dilemmes moraux posés par l’histoire. PRISONERS tente alors de se justifier, use de tous les artifices et coupe les cheveux en quatre pour ne pas être accusé de cautionner la loi du talion. Pourtant, tous ces efforts pour instiller l’ambiguïté – à n’en pas douter sincères et portés par une interprétation sans faille de Jackman et Gyllenhaal – ne font pas oublier le peu de clarté du film sur les problématiques qu’il soulève.

De Denis Villeneuve. Avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Paul Dano. États-Unis. 2h26. Sortie le 9 octobre

 

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