PRINCE OF TEXAS : chronique

30-10-2013 - 13:12 - Par

MAN VS WILD à la sauce David Gordon Green. Ou l’histoire poétique, envoûtante et franchement étrange d’une renaissance en pleine nature. 

Un an après qu’un incendie a dévasté une région boisée du Texas, Alvin (Paul Rudd) et son beau-frère Lance (Emile Hirsch) travaillent sur le marquage au sol d’une petite route de forêt. Isolés dans la nature, les deux hommes s’opposent sur tout. Alvin le responsable aime se confronter à la solitude et pense avec amour à sa compagne, Lance l’inconséquent s’impatiente de retrouver la ville pour « tremper son biscuit ». L’un se croit viril et malin, l’autre bon danseur et séducteur. À tort. Remake du film islandais EITHER WAY (inédit en France), PRINCE OF TEXAS a tout du projet déroutant. Quelques minutes suffisent à ce que se forme une interrogation qui tiendra jusqu’à la dernière séquence : « Mais où est-ce que tout ça va ? » C’est dans ce caractère totalement imprévisible que PRINCE OF TEXAS tire pourtant sa beauté fulgurante et son pouvoir de suggestion. David Gordon Green développe un récit où rien ne se passe vraiment, où seuls les dialogues, l’atmosphère et des personnages croqués (et interprétés) avec brio permettent d’avoir peu à peu prise sur le propos du film et de se connecter à sa vibration sous-jacente. D’aucuns risquent de rester au bord de la route tant PRINCE OF TEXAS joue de digressions fantasques, de la multiplicité de ses facettes (comédie grinçante, drame amoureux, bromance, fantasmagorie) et de rupture de tons pour perdre le spectateur. Mais dans cette errance se construit une indéniable empathie pour ces deux hommes cherchant à retrouver le vrai sens de leur masculinité et qui, sous nos yeux, renaissent dans cette forêt dévastée où la vie animale et végétale, elle aussi, tente de reprendre ses droits. PRINCE OF TEXAS rappelle ainsi que Green eut Terrence Malick pour mentor (le père de LA BALADE SAUVAGE avait produit L’AUTRE RIVE). Il capture avec grâce la puissance inspiratrice de la nature – dans sa splendeur comme dans sa cruauté –, livre de purs moments de poésie – Alvin mimant une scène fantasmée de vie de couple dans les ruines d’une maison carbonisée – ou d’étrangeté – des personnages secondaires privés de leur mémoire, au sens propre comme figuré –, le tout sur un magnifique score d’Explosions In The Sky & David Wingo. PRINCE OF TEXAS est une expérience de cinéma certes extrême, guère accessible, souvent déstabilisante, mais on accède à son cœur presque par magie, sans y réfléchir, jusqu’à ce dernier acte aux accents quasi surnaturels où la mélancolie s’accompagne d’une certaine exaltation.

De David Gordon Green. Avec Paul Rudd, Emile Hirsch, Lance LeGault. 1h34. États-Unis. Sortie le 30 octobre

 

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