SNOWPIERCER – LE TRANSPERCENEIGE : chronique

30-10-2013 - 13:15 - Par

Le réalisateur sud-coréen Bong Joon Ho s’empare d’une BD française pour l’adapter en un film violent et engagé.

La richesse de SNOWPIERCER est telle qu’il faudrait le voir encore et encore pour cerner tout ce qui fait de ce film l’œuvre complexe et politique qu’on n’attendait plus. Adaptation aménagée du « Transperceneige » (bande-dessinée française écrite par Jacques Lob, Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand), cette science-fiction (qui n’a de science-fiction que le nom) se pose en reflet du chaos social, éthique et humain d’aujourd’hui. Dans un futur proche, alors que le combat contre le réchauffement climatique aura dégénéré, l’humanité sera réduite à quelques milliers de personnes tournant perpétuellement autour d’une Terre glacée, à bord d’un train commandé par le mystérieux Wilford. Les nantis ont investi les wagons de tête. Les autres, sauvés in extremis par Gilliam (John Hurt), sont refugiés en queue, dans d’ignobles conditions de survie. Mais Curtis (Chris Evans) a un plan : remonter chaque voiture pour destituer les oppresseurs. S’engage une lutte sanguinaire et sans merci. Jusqu’où vont aller les puissants pour maintenir leurs privilèges face à des hommes prêts à mourir pour retrouver leur dignité ? Quel cynisme, quelle idéologie, nourrissent les sociétés s’étant autoproclamées civilisées et le concept d’équilibre mondial ? Un peuple qui se soulève est-il sur la voie de la liberté ? Quand il s’agit de poser des questions sur la nature humaine, Bong Joon Ho pose celles qui fâchent. Impossible de ne pas voir dans ce futur dystopique et cette lutte des classes un cri de rage, un appel époumoné à tout détruire. Le propos désespéré va de pair avec la forme, brassant une imagerie guerrière ultraviolente. Rien n’échappe à l’atmosphère martiale, au recensement en rang d’oignons… et le chaos de la misère de faire face au chaos de l’ordre. On connaissait Bong Joon Ho virtuose, mais aux envolées magistrales (qui rappellent aussi celles de Park Chan-wook, son producteur ici), aux plans-séquences aériens, succède parfois un style plus sévère, plus syncopé, où la caméra se débat dans ces wagons surpeuplés et la claustrophobie ambiante. Toujours dans le souci du mouvement perpétuel, car là est aussi le sujet du film : la fuite en avant vers la destruction comme un cycle existentiel. Suivant au plus près son sombre héros, catalyseur sacrificiel de la rébellion et pur produit des injustices sociales – campé par un Chris Evans puissant –, le réalisateur trace son film en ligne droite. S’il le débute à vitesse grand V, il l’émaille de moments plus calmes mais non moins tendus, où il est temps de constater les dégâts. Et si SNOWPIERCER est bel et bien un film sud-coréen, c’est dans sa capacité à toujours exalter la grande poésie du désastre.

De Bong Joon Ho. Avec Chris Evans, Song Kang-ho, Octavia Spencer. Corée du Sud / États-Unis. 2h06. Sortie le 30 octobre

 

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