LA VÉNUS À LA FOURRURE : chronique

13-11-2013 - 09:30 - Par

Une adaptation de pièce de théâtre ludique et généreuse, signée d’un Polanski libéré de toute contrainte.

Après l’épatant CARNAGE il y a trois ans, Roman Polanski adapte à nouveau une pièce avec LA VÉNUS À LA FOURRURE, brillant exercice de mise en abyme où s’empilent les grilles de lecture. En double troublant du réalisateur franco-polonais, Mathieu Amalric incarne Thomas, un metteur en scène de théâtre qui désespère de trouver la bonne actrice pour sa pièce « La Vénus à la fourrure ». La journée d’audition terminée, débarque en trombe Vanda (Emmanuelle Seigner, épouse de Polanski), grande gigue vulgos, fagotée comme une prostituée (et en retard), venue le convaincre qu’elle est sa nouvelle muse. Le choc des cultures est garanti. Car si Thomas rejette d’abord cette candidate peu sophistiquée, il va doucement se laisser avoir par l’évidente intelligence de jeu de son interlocutrice et lui laisser sa chance. Cette interaction va transformer le dramaturge et transfigurer l’œuvre. La spontanéité de Vanda le force à désintellectualiser son art et à désacraliser son statut de démiurge. La pièce sur le sadomasochisme qu’ils vont rejouer à deux est le cœur du film de Polanski, œuvre sur les relations complexes et parfois perverses entre un réalisateur et son actrice. Polanski transcende totalement les contraintes d’un tel postulat. Peu importe qu’il n’ait que deux comédiens à manipuler, les joutes verbales élèvent l’écriture vers des sommets de poésie, révélant une vraie jouissance des mots. Qu’importe que sa caméra n’ait qu’un seul décor à filmer : il renouvelle perpétuellement l’intérêt visuel par une mise en scène précise et réfléchie et pourtant si aérienne. Et si l’histoire semble limitée à ce face-à-face coloré, Polanski finit par amener sa comédie sur le terrain du film de genre, mais toujours avec la drôle de légèreté qui caractérise l’œuvre. La valse sexuellement agressive que Mathieu Amalric (hilarant dans sa fierté d’intellectuel rive gauche) entreprend avec Emmanuelle Seigner (tellement drôle dans sa grossièreté surjouée) est un plaisir relevant de l’hédonisme. Le film excite les appétits coquins du spectateur mais il est surtout ludique et espiègle, et son rythme fou n’est jamais vraiment entravé par quelques temps morts dramatiques ou le relatif narcissisme de son sujet. Polanski s’amuse et son euphorie est contagieuse. Un film plus généreux cette année ? On ne voit pas.

De Roman Polanski. Avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner. France. 1h36. Sortie le 13 novembre

 

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