CAPITAINE PHILLIPS : chronique

20-11-2013 - 10:37 - Par

Paul Greengrass, cinéaste du réel, se penche sur la piraterie moderne. Rugueux, étouffant et nerveux, avec d’immenses interprètes.

Mars 2009. Richard Phillips, la cinquantaine bien tassée, quitte non sans peine son épouse pour une nouvelle mission en tant que capitaine du cargo commercial américain Maersk Alabama. Début avril, son navire est pris d’assaut par le frêle esquif de jeunes pirates somaliens… CAPITAINE PHILLIPS ne fait guère état d’être « tiré d’une histoire vraie » et ne le rappelle même pas en début de métrage, comme le veut la coutume. Il faut dire que CAPITAINE PHILLIPS n’a pas besoin de cet artifice : derrière la caméra trône Paul Greengrass, cinéaste qui, de BLOODY SUNDAY à VOL 93, s’est fait le chantre d’un certain cinéma du réel. Alors quand il s’attaque à la piraterie moderne, il convoque tout l’attirail de son cinéma pour une expérience humaine et politique, haletante et immersive. Le tout, exploit remarquable, sans sombrer dans le manichéisme paternaliste. Le regard de Greengrass frappe en effet par sa mesure. Bien sûr, CAPITAINE PHILLIPS vise l’identification du spectateur avec le personnage éponyme, d’autant qu’il est campé par Tom Hanks, roi des rôles d’hommes ordinaires, qui livre ici une performance d’une profondeur bouleversante. Mais si CAPITAINE PHILLIPS affiche une efficacité sans faille, il faut en référer à la manière dont Greengrass donne la parole aux pirates africains. Les motivations de ces hommes, victimes de la misère, exploités par des seigneurs de guerre qui les réduisent en esclavage, sont aussi le fruit d’un Occident tout- puissant faisant passer de véritables centres commerciaux à proximité de leurs côtes. Partant de cet antagonisme nourri d’injustice résumant à lui seul le fossé entre pays du Nord et du Sud, Paul Greengrass construit un duel d’hommes nerveux et rugueux, où l’humanité de Phillips ne vaut pas mieux que la volonté de vivre du jeune Muse. Où les différences de statut entre la superstar Tom Hanks et l’incroyable amateur Barkhad Abdi ne contaminent jamais le ressenti du spectateur. Certes, CAPITAINE PHILLIPS n’est pas exempt de quelques maladresses. Le changement de point de vue dans le dernier acte (quand Greengrass s’attarde trop sur l’intervention des Navy Seals) tire le film vers un bellicisme regrettable. Même s’il permet d’analyser le fragile positionnement de la présidence d’Obama sur le terrorisme. Mais rien qui n’entache la force et la justesse de cet opus explorant la manière dont notre monde, fondé sur un système aux mécanismes devenus fous, pousse des hommes impuissants à s’opposer les uns aux autres quand ils ne rêvent que de se comprendre.

De Paul Greengrass. Avec Tom Hanks, Barkhad Abdi, Faysal Ahmed. États-Unis. 2h14. Sortie le 20 novembre

 

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