LE CINQUIÈME POUVOIR : chronique

04-12-2013 - 12:19 - Par

Faute d’un cruel manque de point de vue, LE CINQUIÈME POUVOIR ne parvient pas à être à WikiLeaks ce que THE SOCIAL NETWORK était à Facebook.

De l’imprimerie à Internet : le générique d’ouverture du CINQUIÈME POUVOIR résume les radicales transformations connues par la transmission de l’information au fil des siècles. Une entrée en matière appuyée, certes, mais qui a le mérite d’exposer simplement la place prise par WikiLeaks ces dernières années : celle d’un contre-pouvoir s’étant substitué aux médias traditionnels – ce que les Anglais nomment un « whistleblower », littéralement « celui qui avertit d’un problème ». Logique donc que, dès la première scène, la caméra de Bill Condon se fixe sur des journalistes confrontés à un cruel dilemme : vont-ils relayer des informations confidentielles sur la guerre en Irak publiées par WikiLeaks ? LE CINQUIÈME POUVOIR aurait pu s’avérer passionnant s’il s’était tenu à ce nœud dramatique, à savoir l’opposition entre le site – qui révèle des secrets d’État au nom de la liberté d’information, parfois sans vérifier ses infos – et la presse. Le problème n’est pourtant pas que LE CINQUIÈME POUVOIR opte pour un autre point de vue, mais qu’il n’en choisisse jamais aucun. Basculant très rapidement dans le portrait du grand manitou de WikiLeaks, Julian Assange, et des frictions qui l’opposent à son bras droit Daniel Berg – campés avec soin par Benedict Cumberbatch et Daniel Brühl –, LE CINQUIÈME POUVOIR cherche à se muer en tragédie grecque à la SOCIAL NETWORK, où deux frères finissent par s’opposer sur la destinée de leur création. Mais là où le biopic de Mark Zuckerberg affichait une caractérisation de personnages fine et forte – quitte à prendre des libertés avec la réalité – et portait ainsi un vrai regard sur son époque, celui de Julian Assange ne donne jamais chair à ses personnages. Ils errent dans le récit sans que leurs motivations ne soient exposées avec conviction ou clarté. Tantôt sont-ils des activistes fascinants, tantôt des têtes brulées sans réelle vision. Malheureusement, ces ambivalences n’offrent aucune richesse. Au contraire, elles ne sont que le relais de nombreux lieux communs et au final, enferment le propos dans une certaine tiédeur. LE CINQUIÈME POUVOIR, lancé sur les rails d’une narration linéaire et didactique, ne pousse jamais à la réflexion et se contente de filmer des discussions ennuyeuses ou des faits anecdotiques, une sorte de catalogue d’événements choisis sans discernement apparent. Rien qui n’ébranlera donc le créateur de WikiLeaks ou qui nous en apprendra plus sur sa personnalité controversée et la mission de son site. Alors, à quoi bon ?

De Bill Condon. Avec Benedict Cumberbatch, Daniel Brühl, David Thewlis. États-Unis. 2h08. Sortie le 4 décembre

 

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