4 questions à Diego Quemada-Diez, réalisateur de RÊVES D’OR

04-12-2013 - 14:13 - Par

Après des années à collaborer avec de grands réalisateurs en tant qu’assistant caméra ou opérateur (Ken Loach, Tony Scott, Spike Lee, Oliver Stone…), l’Espagnol Diego Quemada-Diez passe à la réalisation. Son premier film est fort et énervé. Lui aussi.

Cette interview a été publiée dans Cinemateaser Magazine n°29 daté novembre 2013, actuellement en kiosques

Vous avez toujours voulu être réalisateur : n’avez- vous jamais nourri de frustration à travailler dans l’ombre des plus grands ?
Parfois, mais cela dépend de l’énergie du réalisateur avec lequel vous travaillez. Avec Oliver Stone, c’était particulièrement stressant. Sur L’ENFER DU DIMANCHE, il avait instauré une atmosphère de champ de bataille : chaque jour, quelqu’un était viré. Il y avait des flash- backs de la Guerre du Vietnam et pour lui, tourner, c’est faire la guerre. Nous avions beaucoup de caméras, ce qui était une erreur car aucun choix visuel n’était fait in situ. Cependant, j’admirais la manière dont il gérait les studios, les producteurs le respectaient, personne n’osait interférer. Ils avaient sûrement peur de lui, eux aussi. Avec Ken Loach, ce n’était que du plaisir. Je bossais dur mais j’ai beaucoup appris. J’étais l’homme le plus heureux du monde. Il est gentil, humble. Il peut paraître petit mais dès qu’on lance la caméra, il est grand et puissant. Je me retrouve dans ses méthodes, il tourne chronologiquement, les acteurs ne savent rien du script, il met la caméra à hauteur d’œil, il n’utilise pas de zoom, pas de dolly, il fait en sorte que le spectateur soit un observateur. Un créateur doit se fixer des règles auxquelles il s’astreint. J’ai compris avec lui que des thèmes politiques requièrent de la subtilité. Tony Scott, lui, était un excellent leader. J’aimais sa manière claire de nous parler, et il confiait à chacun une mission. Quant à Spike Lee, il était génial avec les acteurs, il était bon et rapide. Il pouvait tourner cinq pages de script en huit heures. On a adoré travailler ensemble, on s’est très bien entendus. Il vous considère comme un membre de la famille et vous vous sentez protégé et respecté.

RÊVES D’OR est une histoire simple, réaliste et vous avez engagé des acteurs amateurs. En quoi était-ce un premier film idéal ?
J’ai toujours voulu faire un poème épique, où l’action et la contemplation se mélangent. Il devait y avoir un côté aventure, avec des scènes compliquées, des défis. Dans ma vie, j’ai toujours voulu prendre des risques, recommencer à zéro, et ne pas me limiter à ma zone de confort. Aussi, petit, je regardais énormément de films d’action de qualité avec mon père : Sergio Leone, Coppola, Scorsese. Avec ma mère, c’était plutôt les films d’art et essai : Fassbinder, Eisenstein, Bergman, Fellini… Au fond de moi, il y a un enfant qui rêve de faire plaisir à ma mère et à mon père.

Vous êtes un membre actif de l’industrie cinématographique depuis longtemps. Faire votre premier film a-t-il été une lutte ?
Un peu. Les gens me disaient : ‘Pourquoi encore un film sur l’immigration ? Pourquoi des acteurs non professionnels ?’ Un film ne se fait pas sans star ; c’est comme ça, l’industrie d’aujourd’hui. ‘Pourquoi tu ne mettrais pas une voix-off de Salma Hayek ?’

Vous êtes espagnol et travaillez aux USA. Votre film parle d’immigration clandestine. Est-ce un sujet qui vous touche du fait que l’immigration a été facile pour vous ?
Petit, je déménageais de ville en ville. Je me suis toujours senti étranger, peu importe où j’étais. J’aimais le rock’n’roll et le cinéma américain. Je savais qu’un jour, j’irais aux États-Unis. Quand ma mère est décédée, je me suis enfui aux USA : je ne connaissais quasiment personne, j’ai vécu des moments difficiles. J’ai gravi les échelons et le fait que beaucoup d’Américains aient vu à quel point je bossais m’a beaucoup aidé. J’ai économisé, intégré une école de cinéma. J’ai fait mes courts-métrages pendant que j’étais opérateur caméra pour d’autres. J’ai toujours rêvé de faire mes propres films, mais c’était mon secret. Ma mère a beaucoup voyagé au Guatemala et au Mexique pendant les 70’s et 80’s. Elle rendait visite à ses amis missionnaires de la Liberation Theology dans les communautés indigènes reculées. Beaucoup ont été assassinés (la Liberation Theology était considérée comme marxiste, ndlr). J’ai grandi indigné, avec la conviction qu’un monde plus juste était possible. J’ai toujours voulu qu’elle m’emmène dans ses voyages, mais elle ne l’a jamais fait. C’est peut-être pour ça que j’en suis là, à faire des films comme RÊVES D’OR.

RÊVES D’OR est en salles. Lire notre critique

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