EL LIMPIADOR : chronique

17-12-2013 - 10:50 - Par

Mystérieux, captivant, poignant et intimiste… Le premier film du jeune Adrián Saba est bien plus qu’un énième film catastrophe, option « pandémie grippale ». Du cinéma d’auteur de très bon genre.

Des dix millions d’habitants que compte habituellement la capitale péruvienne, il ne reste quasiment personne. Les corps tombent un peu partout dans la ville et Eusebio (Víctor Prada) a pour mission de déblayer tout ça, en sa qualité de « nettoyeur ». À défaut d’être joyeuse, la solitude du vieil homme est rassurante. Mais tout est bouleversé quand débarque Joaquin (Adrián Du Bois), un gamin orphelin qui réclame un adulte pour le border le soir. EL LIMPIADOR est un film captivant, à la beauté étrange et nostalgique, d’autant plus surprenant que son réalisateur et scénariste, Adrián Saba, n’avait que 23 ans quand le projet est né. Secondé par son chef opérateur et complice Cesar Fé, Saba réinvente jusqu’à l’architecture de sa ville, métropole grouillante, ici décimée. La lumière froide, presque atone, et les longs plans fixes laissent le temps de s’imprégner d’une atmosphère moribonde contagieuse. Entre les immeubles, des silhouettes se découpent, furtivement, sans jamais offrir le réconfort d’un visage ou d’un sourire. Ceux qui survivent ont oublié de vivre. Dans ce mouroir à ciel ouvert, l’arrivée de Joachin sonne comme une explosion de chaleur, provoquant chez Eusebio un cocktail d’émotions inédites. Ne vaudrait-il pas mieux éviter de s’attacher au petit être quand la mort est partout, postée en embuscade ? Peut-on ne s’occuper d’un enfant que du bout des doigts, pour éviter de se mouiller sentimentalement ? Évidemment que non, la vie est trop forte pour ça. N’oublions pas qu’il y a derrière ce film un garçon plein de rêves, d’humour et d’avenir. Mélancolique, donc, EL LIMPIADOR, mais jamais lugubre. À coups de petits détails poignants, Saba réinjecte la vie dans la grisaille. En coiffant le gamin d’un carton, puis d’un casque, protections illusoires et pourtant apaisantes contre la dureté extérieure. Même si les ressorts sont vieux comme l’histoire du mélodrame, il est bouleversant d’observer une grande et une petite personne qui n’auraient jamais dû se rencontrer, se retrouver dans la même pièce, se jauger, s’apprivoiser, pour enfin se comprendre et prendre soin l’un de l’autre. La compassion, exactement… Le pourquoi du comment demeurera mystérieux : l’épidémie est là, point. Étonnamment réaliste. C’est triste, mais en 2013, il n’en faut pas beaucoup au spectateur occidental pour croire à la fin du monde. Marchant sur les pas des réalisateurs Daniel et Diego Vega en terme de sobriété de la mise en scène, d’humour noir et de chorégraphie millimétrée des solitudes (OCTUBRE, et bientôt EL MUDO), Saba est d’ores et déjà inscrit dans l’histoire du cinéma péruvien.

D’Adrián Saba. Avec Víctor Prada, Adrián Du Bois, Miguel Iza. Pérou. 1h35. Sortie le 18 décembre

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.