TEL PÈRE, TEL FILS : chronique

26-12-2013 - 09:34 - Par

Hirokazu Kore-eda explore l’âme de pères et de leurs fistons dans un drame lumineux à la beauté indicible, et en évitant soigneusement toute manipulation.

Deux couples apprennent que leurs fils de 6 ans ont été échangés à la naissance et qu’ils ont donc élevé l’enfant d’un autre. Les services sociaux proposent aux deux familles de passer du temps ensemble, afin de les préparer à un nouvel échange, qui permettrait à chacune de récupérer son garçon… Avec NOBODY KNOWS et I WISH, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda avait livré deux portraits bouleversants de l’enfance. Un fil d’Ariane dans sa filmographie, qu’il continue de suivre avec TEL PÈRE, TEL FILS, même si, ici, les bambins sont avant tout le vecteur d’une étude de la paternité. En se penchant sur ce qui caractérise cette dernière – le gène est-il plus important que le lien humain ? – Kore-Eda aurait pu livrer au mieux une œuvre théorique et froide, au pire un long- métrage pathos et manipulateur. Au final, il accouche d’un film lumineux et gorgé de vie, fort d’une énergie presque philosophique où rire et larmes ne font qu’un. Malgré le drame qui se joue, Kore- Eda ne plie devant aucune facilité et observe ses protagonistes avec une tendresse bénéfique. Qu’il s’agisse du père architecte, homme travailleur, contrit et strict voulant éviter à tout prix de devenir le raté que son paternel était à ses yeux, ou de celui qui a élevé son fiston, homme-enfant immature, le cinéaste croque des personnages dont les faiblesses s’érigent au final en qualités. Dont les traumas, exposés avec grâce, font d’eux des hommes universels presque lambda, des hommes ne véhiculant ni héroïsme ni cruauté romanesques. Autour d’eux, des mères s’imposant en coulisses comme des repères en forme de piliers indestructibles. Et des gamins au naturel désarmant, qui jamais ne réagissent ou se comportent comme des pantins ou comme des adultes miniatures. De cette galerie, Kore-Eda tire un récit d’une grande spontanéité, dans lequel sa caméra n’invente rien de ces vies mais les filme dans leur plus simple vérité. Celle d’amours inconditionnels que l’on ne conquiert ni par le sang, ni par atavisme. Mais par un lien inexplicable que le cinéaste rend pourtant palpable le temps d’un double travelling séparant un père et son fils autant qu’il ne les rapproche inexorablement. Steven Spielberg, juré en chef du dernier Festival de Cannes – où TEL PÈRE, TEL FILS a remporté le Prix du Jury – envisage de produire un remake américain. Reste à savoir s’il est décemment possible de reproduire un moment de cinéma aussi magique et pur.

De Hirokazu Kore-Eda. Avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Yoko Maki. Japon. 2h00. Sortie le 25 décembre

 

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