OLDBOY : chronique

01-01-2014 - 11:55 - Par

Spike Lee remake le chef-d’œuvre de Park Chan-wook. Quel intérêt ? Aucun, évidemment. Mais attendez une seconde…

On nous avait vendu une nouvelle adaptation du manga original de Nobuaki Minegishi et Garon Tsuchiya et non un remake du film de Park Chan- wook, mais le subterfuge a été abandonné par le studio. OLDBOY 2013 s’ouvre sur un carton vérité : « basé sur le film sud-coréen ». Comprenez donc par là que Spike Lee a gardé les libertés prises par son confrère asiatique vis-à-vis de l’œuvre littéraire et qu’il a tant aimé sa mise en scène virtuose qu’il s’en est inspiré. La fameuse séquence du marteau ? Toujours là, mais différente : au lieu d’un Oh Dae-Su (Choi Min-sik) allant vers la vengeance de gauche à droite, Joe Doucett (Josh Brolin) finit par charcuter ses assaillants de droite à gauche. On régresse ? C’est une façon de voir. Si le postulat est le même dans les deux longs-métrages (un homme enfermé de longues années dans une cellule est soudain libéré et cherche à se venger de qui a détruit sa vie), le traitement n’est pas exactement le même. Chez Spike Lee, on joue davantage sur les instincts paternels de l’antihéros, on est plus dans la manipulation un peu grossière d’un vilain démoniaque (Sharlto Copley, pas meilleur que dans ELYSIUM), on est moins dans le mystère et l’hubris que dans le thriller over the top. La dimension tragi-comique de l’animal Choi Min-sik (qui véhiculait la force et l’inexorabilité du destin), colérique et désespéré, est sacrifiée sur l’autel du drame balisé, explicatif et beaucoup moins ambigu que son modèle. Mais, malgré cette américanisation assez impersonnelle d’une œuvre particulièrement marquante, Spike Lee est parvenu à insuffler son style à cette redite, pour le meilleur ou pour le pire : son film est sordide. Il ploie sous la moiteur un peu crade, il subit les assauts erratiques de gros plans agressifs, il est morbide dans sa violence, vulgairement gore, parfois jusqu’au ridicule. Ce sont les derniers gestes d’insoumis d’un réalisateur indépendant envers un système broyant l’audace et l’originalité… Pourtant, étrange sensation d’admettre qu’OLDBOY est une entreprise légitime – on s’est même surpris à le penser pendant le visionnage du film. OLDBOY de Park Chan-wook, qui emprunte tant à la tragédie, a aujourd’hui une dimension de classique dramaturgique autorisant chacun à en donner sa version. De la même façon qu’au théâtre, il y a mille « Macbeth », il faut s’attendre à ce que le cinéma ait moult OLDBOY au fil des générations, de multiples relectures qui renforceront, malgré elles, l’aura d’intouchable du chef-d’œuvre de Park. En l’état, la version de Lee n’apporte rien au cinéma mais soulève un peu plus l’épineuse question de la réappropriation taraudant quiconque s’intéresse aux tourments créatifs du Hollywood d’aujourd’hui.

De Spike Lee. Avec Josh Brolin, Elizabeth Olsen, Sharlto Copley. États-Unis. 2h00. Sortie le 1er janvier 2014

 

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