DU SANG ET DES LARMES : chronique

01-01-2014 - 12:01 - Par

Quand le film de guerre joue de son bellicisme et de son patriotisme pour mieux renverser, avec audace – et quelques maladresses –, son regard sur l’ennemi.

Des images d’archives de Navy SEALs à l’entraînement, faisant subir à leurs corps les pires outrages. « Transformez la douleur en agressivité ! », lance l’instructeur. Le générique du nouveau Peter Berg, DU SANG ET DES LARMES (une histoire vraie), ne fait aucun mystère sur ses protagonistes : des machines surhumaines à qui l’on a appris à faire de leur souffrance un moteur. La voix-off du soldat Marcus Luttrell (Mark Wahlberg) qui suit confirme : « Nous voulions l’affrontement ». Toutefois, Berg annonce tout de go que son long- métrage ne sera pas qu’une exaltation de la politique guerrière made in USA, Luttrell ajoutant : « Le plus froid, bruyant et terrible des affrontements ». Là sont posées les bases d’un film dansant sur le fil du rasoir, faisant autant appel à l’esprit patriotique d’un certain public américain qu’à celui, plus critique, des spectateurs du reste du monde. Car Berg, fort d’un cinéma à l’efficacité brute, alliant caractérisation fine des personnages et mise en scène rageuse, sait qu’on ne traite pas les conflits contemporains comme la Seconde Guerre mondiale. Qu’on n’aborde pas la « War On Terror » comme la lutte contre les nazis. Les enjeux sont soumis à d’autres grilles de lecture, à des tensions géopolitiques aux lignes moins claires. On sait donc gré à DU SANG ET DES LARMES d’explorer les deux bouts du spectre de l’Opération Red Wings. Lorsque des SEALs chargés de tuer un leader taliban sont surpris par des bergers, ils décident de les laisser partir, non sans un long débat moral. Au risque de se voir rattrapés par leurs ennemis. Ce qui arrive. Une première partie faite de dialogues déconcertants comme « Meurs pour ton pays, je vivrai pour le mien » ou « Je regrette de ne pas avoir tué plus de talibans ». Gênant ? Evidemment. Sauf que s’opère ensuite un renversement. Chaque événement de la seconde partie va venir commenter, par un effet de miroir, ce qui a précédé. Des Afghans entament le même débat que les SEALs. Berg filme des villageois avec le même élan, comme des héros. Il observe la douleur d’un peuple. Bâtit une relation incongrue entre un local et Luttrell… Un contrepoint étonnant et poignant, non dénué de grosses maladresses – dont un générique de fin lacrymal et didactique. Reste que ce morceau de cinoche a l’intelligence de ne pas se repaître des instincts les plus condamnables auxquels aurait succombé un faiseur forcément moins éclairé que l’auteur Peter Berg.

De Peter Berg. Avec Mark Wahlberg, Ben Foster, Taylor Kitsch. États-Unis. 2h01. Sortie le 1er janvier 2014

 

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