PHILOMENA : chronique

08-01-2014 - 09:26 - Par

Stephen Frears fait oublier les immenses déceptions LADY VEGAS et MUHAMMAD ALI’S GREATEST FIGHT avec PHILOMENA, grande comédie mélodramatique.

Irlande, 1952 : Philomena Lee (Sophie Kennedy Clark), adolescente, tombe enceinte. Envoyée au couvent, elle y est employée en échange des soins dispensés à son fils, Anthony. À l’âge de 3 ans, celui-ci lui est arraché et confié à un couple qui l’adopte. Quand, octogénaire, Philomena (Judi Dench) rencontre Martin Sixmith (Steve Coogan), ancien reporter à la BBC, et qu’elle lui raconte son histoire, ce dernier décide de l’aider à retrouver Anthony. Sortons les mouchoirs et les violons ? Loin de là. La réussite de PHILOMENA réside dans son refus absolu du pathos et de l’émotion facile. Certes, le film confronte le public à une cruauté révoltante, à des injustices déchirantes. Mais Stephen Frears et ses scénaristes Jeff Pope et Steve Coogan ont l’intelligence d’offrir à cette bouleversante histoire vraie un écrin débordant de vie et de chaleur. L’opposition entre la simplicité de Philomena – Judi Dench, superbe – et le cynisme de Martin Sixsmith – un pur personnage ‘cooganien’ – crée une dynamique de comédie imparable. Quand l’une lance des répliques crues qu’on n’imaginerait jamais dans la bouche d’une grand-mère, l’autre assène des vannes d’une sécheresse hilarante ou des tirades vindicatives et pertinentes. PHILOMENA se poserait presque en buddy movie mais, là encore, Frears parvient à désamorcer les ficelles du genre : jamais Philomena ou Martin ne vont changer au contact de l’autre. Ils ne font qu’être eux-mêmes, asseyant leur personnalité, et ce réalisme psychologique ancre PHILOMENA dans une sincérité évidente et emballante. Surtout, en insufflant au film un humour aussi alerte, Frears, Pope et Coogan rappellent que l’existence se nourrit de toutes les émotions, permettant aux portraits de Philomena et Martin d’être d’autant plus justes et touchants. Et lorsque le récit se fait plus tragique, point de manipulation mais un aboutissement narratif logique. Si bien que Frears ne signe pas « uniquement » une comédie dramatique : il explore avec férocité les fautes et contradictions de l’Eglise catholique, sans pour autant porter le moindre jugement sur l’attachement de chacun à sa foi. « L’Eglise devrait se confesser, pas vous », dit ainsi Martin à Philomena. Mais non : là où le reporter, usé par les compromis, est dévoré par la colère, la vieille dame reste droite et fière, refusant tout ressentiment. Tant de grâce concentrée en quatre-vingt dix minutes ? Un miracle rare.

De Stephen Frears. Avec Judi Dench, Steve Coogan, Sophie Kennedy Clark. Grande-Bretagne / France / États-Unis. 1h38. Sortie le 8 janvier 2014

 

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