LE VENT SE LÈVE : chronique

22-01-2014 - 10:40 - Par

Miyazaki tire sa révérence avec un ultime film d’une gravité inouïe. Son portrait romancé de Jiro Horikoshi, dans un monde en plein chaos, bouleverse par son humanité.

Enfant, Jiro rêve de voler dans les cieux. Mais sa myopie écarte toute chance de devenir pilote. Qu’à cela ne tienne : grand admirateur de l’ingénieur italien Gianni Caproni, il sera concepteur aéronautique et révolutionnera l’aviation. Seulement, nous sommes au début du siècle dernier. Le Japon connaît un retard technologique considérable… Jiro s’accrochera à son ambition, traversera la Grande Dépression, connaîtra l’amour avec Nahoko pendant l’épidémie de tuberculose. Avant d’accoucher du plus redoutable des avions de chasse à l’entrée en guerre du Japon. LE VENT SE LÈVE est sans conteste le film le plus réaliste d’Hayao Miyazaki. Pour la première fois, le cinéaste s’installe dans un passé historique clairement défini et conte les destinées de personnages ayant existé. C’est aussi la plus personnelle de ses œuvres. L’aéronautique a toujours occupé une place centrale chez lui : son père dirigeait l’entreprise fabriquant les gouvernes des A6M Zero de la bataille du Pacifique. LE VENT SE LÈVE raconte trente ans de la vie de leur concepteur. Ce qui a déclenché une vague de polémiques en Asie pour son côté supposément révisionniste et / ou va- t-en-guerre. Or le propos pacifiste du film est sans ambiguïté. “Le vent se lève. Il faut tenter de vivre.” Prononcée à plusieurs reprises, cette citation du “Cimetière marin”, poème de Paul Valéry, agit en leitmotiv dans le parcours largement romancé de Horikoshi. Cette méditation sur l’existence, la création et la mort se confond avec lui et tout un peuple japonais de l’entre-deux-guerres. Miyazaki ne tombe pas dans le piège du biopic académique. Son film renferme une forte part d’inconscient que sa mise en scène onirique magnifie lors des apparitions de Caproni (parmi les scènes les plus extraordinaires jamais réalisées par Miyazaki). La délicatesse de son trait demeure intacte, à l’unisson du caractère de Jiro et des sentiments qu’il noue avec Nahoko. En cela, la pureté de Jiro, tant dans ses aspirations que dans son amour, contraste fortement avec son monde au bord du précipice. Caproni lui répète à l’envi que la beauté de ses inventions doit être évaluée indépendamment de leur fonction finale. C’est là tout l’enjeu du film. De même, le rêve de Jiro renferme son malheur. Sa quête obstinée du beau, dans le design de ses prototypes comme dans son amour pour la fragile Nahoko, débouche sur une impasse, une stérilité se soldant par la mort et la destruction. En cela, le film de Miyazaki est moins un biopic qu’une bouleversante lamentation digne d’un mélo de Douglas Sirk sur le dévoiement de la splendeur et sa transformation en monstruosité.

De Hayao Miyazaki. Avec les voix originales de Hideaki Anno, Miori Takimoto. Japon. 2h06. SORTIE LE 22 JANVIER

 

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