NYMPHOMANIAC – VOLUME 2 : chronique

29-01-2014 - 10:52 - Par

Film du lâcher prise, un second volet où Von Trier use d’une femme comme vecteur de l’émouvante affirmation de son identité de cinéaste.

On avait retenu du très bon NYMPHOMANIAC – VOLUME 1 qu’il était une expérience sensorielle envoûtante explorant la confusion des genres – entre sexe et amour, profane et sacré, artificiel et sublime. Le tout avec malice narrative, brio esthétique, un humour hautement cruel et des allégories volontairement grotesques. Restait à savoir si le VOLUME 2 confirmerait. Une chose est sûre: il souffre plus que son prédécesseur de la censure graphique et de la séparation en diptyque – la sensation de progression, inhérente au mécanisme de session de psychothérapie utilisé par Von Trier dans sa narration, est tuée dans l’œuf. Et ce parce que ce deuxième volet s’avère plus misanthrope, sordide et psychologiquement extrême : sans doute aurait-il ainsi gagné en puissance s’il n’avait pas été assagi par les coupes nécessaires à son exploitation en salles. Au-delà, NYMPHOMANIAC – VOLUME 2 marque surtout par ses élans furieusement tragiques, Charlotte Gainsbourg embrassant avec une conviction déchirante le destin de Joe qui, en raison de sa névrose maladive, ne peut réellement aimer. Ou être aimée. Pur objet sexuel, fantasme malsain des hommes – même ceux pour qui le sexe n’a aucune importance –, Joe apparaît plus que jamais prisonnière, se débattant contre ce que la société voit en elle, attend d’elle en tant que femme, contre ce qu’elle aimerait être sans y parvenir. En floutant encore un peu plus les frontières entre sexe et religion, entre corps et esprit, en multipliant les digressions humoristiques, Lars von Trier pose un regard bienveillant sur sa protagoniste et la mène peu à peu vers un lâcher prise ultime et définitif en forme de refus violent de son état. Martyre révoltée, Joe ? Oui – pas étonnant que Von Trier associe l’imagerie de la crucifixion au sado-masochisme. Mais pas seulement. Elle est aussi (surtout ?) le vecteur de l’affirmation du cinéaste, qui assume pleinement ce qu’il est, qui il est. Cette analyse par Von Trier du regard que critique et public portent sur lui et de son cinéma (il s’auto cite, jusqu’à reprendre une scène d’ANTICHRIST) a beau user de quelques tirades didactiques, maladroites ou bêtement provocatrices (sur le politiquement correct et son hypocrisie, notamment), elle n’en demeure pas moins fascinante et franchement poignante. « Raconter mon histoire m’a apaisée », dit Joe. Impossible de ne pas y entendre les mots d’un artiste souvent incompris mais qui, au final, n’en a cure et semble en paix avec lui-même. Et tant pis si sa différence gêne ceux qui l’entourent.

De Lars von Trier. Avec Charlotte Gainsbourg, Jamie Bell, Shia LaBeouf. Danemark. 2h03. SORTIE LE 29 JANVIER

 

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