M. PEABODY & SHERMAN : chronique

11-02-2014 - 13:55 - Par

Si le nouveau DreamWorks Animation n’atteint pas le brio narratif de certains de ses récents prédécesseurs, il fait montre d’un cœur et d’une intelligence émotionnelle indéniables. 

Ces quatre dernières années, DreamWorks Animation a effectué une impressionnante mue artistique avec des opus tels que DRAGONS, LES CINQ LÉGENDES, LES CROODS ou TURBO : des films à l’intensité émotionnelle dévastatrice et aux complexes intentions narratives. Et même si dans le même temps le studio a présenté des projets moins ambitieux, tel que LE CHAT POTTÉ ou MADAGASCAR 3, DreamWorks Animation fait désormais plus que jeu égal avec son éternel concurrent Pixar. On ne pouvait donc qu’être curieux de découvrir M. PEABODY & SHERMAN, grand retour de Rob Minkoff à l’animation vingt ans après LE ROI LION, et première adaptation par la major d’une licence connue. Mythique, même. Issu du ROCKY AND BULLWINKLE SHOW, la série cartoon « Peabody’s Improbable History » mettait en scène le chien génial M. Peabody et son fils Sherman dans des aventures dans le temps. Leur objectif ? Faire que les grands noms de l’Histoire accomplissent leurs plus hauts faits d’armes. Ici, le spectateur est amené à suivre Peabody et Sherman dans des sauts dans le temps visant à retrouver la camarade de classe du second, Penny, perdue dans l’Ancienne Egypte. D’époque en époque (l’Italie de la Renaissance, la Grèce Antique…), le duo, puis le trio, tente de revenir à la sienne, en évitant que l’Histoire s’en voie irrémédiablement modifiée… Soit un pitch idéal pour livrer un grand film d’aventure familial, dont le cœur narratif serait la relation entre M. Peabody et Sherman. À bien des égards, ce cœur abrite justement le gros des qualités du projet. Via une introduction aussi drôle que délicate, vive et menée tambour battant, observant le duo dans son quotidien puis dans un voyage durant la Révolution Française, Minkoff présente ses deux héros comme des outsiders. Des nerds affublés d’une différence les ayant poussés vers la solitude. Ce sont deux âmes en peine, deux parias qui ont été ainsi réunis dans cette cellule familiale. Une cellule créée par amour et altruisme – Peabody, lui-même orphelin, a voulu offrir à un enfant le confort d’un foyer – que la société juge avec dureté et tente de faire imploser. Entre scènes d’une grande cruauté – les relations entre enfants à l’école –, sombres flashbacks sur la façon dont Sherman est entré dans la vie de son chien de papa ou indices sur la difficulté de Peabody à s’épancher sur son amour pour son fils, Minkoff livre un premier acte d’une intensité remarquable, qu’il parachève par un superbe moment de tendresse illustré par le classique de John Lennon, « Beautiful Boy ». Vient alors la moelle même du récit : les aventures dans le temps et la recherche de Penny. Si l’on ne peut que s’ébaubir devant certains moments de maestria visuelle ou rire à gorge déployée devant la malice de certaines séquences et autres dialogues (mention spéciale au personnage d’Agamemnon, sorte de Jack Black décérébré) ; si Minkoff décrit avec patience l’épanouissement enfantin de Sherman ; si l’on est séduit par les atours de classique de cape et d’épée que revêt le film, impossible pourtant de ne pas buter sur le caractère bancal de la narration. Certains segments manquent cruellement d’enjeux (l’Italie de la Renaissance, assez poussif) quand d’autres en présentent presque trop (la Grèce Antique), les enchaînements se font heurtés et le rythme chaotique. Jusqu’à ce troisième acte en forme de tour de force dans les rues de New York, où Minkoff retrouve enfin, avec élan et émotion, la substance de son propos. M. PEABODY & SHERMAN n’a peut-être pas le brio de certains de ses récents prédécesseurs, mais en dépit de ses défauts, s’affirme d’une richesse indéniable. Notamment en livrant un vibrant plaidoyer pour le droit d’exister de cellules familiales dites non conventionnelles dans lesquelles l’amour, plus que la norme, fait toute la… différence.

De Rob Minkoff. Avec les voix originales de Ty Burrell, Max Charles et Stanley Tucci. Etats-Unis. 1h32. Sortie le 12 février

 

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