DANS L’OMBRE DE MARY : chronique

05-03-2014 - 08:35 - Par

Contre toute attente, ce film sur la création mouvementée de MARY POPPINS s’érige en mélodrame complexe qui évite toute facilité.

Avril 1961 : après vingt ans de refus, la romancière P.L. Travers accepte de se rendre à Los Angeles pour rencontrer Walt Disney et décider si, oui ou non, elle va enfin lui céder les droits de son héroïne Mary Poppins. Ne pas se fier à son titre français, à son sous-titre (LA PROMESSE DE WALT DISNEY) ou à son affreuse bande originale : DANS L’OMBRE DE MARY n’a rien d’une peinture idyllique et un peu cruche des coulisses d’un classique révéré. Bien que distribué par les studios Disney, le film a été développé hors de son giron. Alors bien sûr, que la major en soit la bannière au final lisse certaines aspérités – ainsi ne voit-on jamais Walt Disney fumer, lui qui est décédé d’un cancer du poumon. Mais peu importe, car les intentions de DANS L’OMBRE DE MARY sont tout autres. Et c’est bien du point de vue de Travers, une femme « en guerre contre [elle-même] », que le réalisateur John Lee Hancock souhaite conter cette histoire. Du duel entre l’acariâtre Travers et le chaleureux Disney (campés par les éblouissants Emma Thompson et Tom Hanks), il tire un premier acte gorgé d’une ironie bienvenue (« Pauvre A.A. Milne », lance Travers en voyant une peluche de Winnie l’Ourson), voire d’une causticité plutôt surprenante (elle qualifie Disneyland de « machine à imprimer des dollars »). Puis, le scénario use rapidement de ce flot cinglant de sarcasmes pour faire basculer DANS L’OMBRE DE MARY dans un mélodrame dont les ressorts se révèlent parfaitement maîtrisés. Hancock, tout en ne refoulant aucune émotion, ne tombe pour autant jamais dans le simplisme ou la putasserie. Le sentimentalisme du film – au sens noble du terme – repose au contraire sur une exploration de traumas complexes lors de séquences d’une rare dureté. L’analyse psychologique de Travers proposée ici n’a jamais peur de sa densité ou de ses élans poétiques. On en veut pour preuve cette remarquable scène superposant flash-back et présent, et où la romancière souffre de voir son souvenir le plus douloureux devenir une farce sautillante. Ainsi, DANS L’OMBRE DE MARY n’est pas seulement qu’un SHAKESPEARE IN LOVE intelligent révélant comment et pourquoi Travers a inventé Mary Poppins. Dans cette histoire passionnante gérée comme un thriller de l’intime, où Walt Disney sert de miroir révélateur, se cache une réflexion touchante sur l’Art comme moyen de transcender la peine, de se réinventer, de réécrire son passé en plus beau. « C’est ce que nous faisons, nous, les storytellers, lance Disney. Nous restaurons l’ordre par l’imagination. »

De John Lee Hancock. Avec Emma Thompson, Tom Hanks, Colin Farrell. États-Unis / Royaume-Uni. 2h05. Sortie le 5 mars

 

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