HER : chronique

20-03-2014 - 10:36 - Par

L’histoire d’amour improbable entre un homme et une intelligence artificielle : le nouveau Spike Jonze est un tour de force.

« L’amour est une forme de démence acceptée par la société » : dès lors que le personnage campé par Amy Adams dans HER formule ce postulat définitif, tout devient possible. Plus aucune barrière pour venir rationaliser les émotions, catégoriser les sentiments ou limiter les termes et conditions d’une romance. Et pour cause : Spike Jonze, habitué des pitchs foufous (DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH, ADAPTATION.) ou des récits iconoclastes (MAX ET LES MAXIMONSTRES), conte ici comment Theodore (Joaquin Phoenix), solitaire abîmé par une sale rupture, va tomber amoureux d’un système d’exploitation, une intelligence artificielle positive nommée Samantha (Scarlett Johansson). L’univers ? Un futur proche bluffant de malice, bâti avec une inventivité folle par Jonze et son production designer attitré, K.K. Barrett. Soit la base parfaite pour donner chair à HER, l’ancrer dans un réalisme fascinant auquel le cinéaste greffe un propos foncièrement contemporain sur l’aliénation par les nouvelles technologies ou sur la déliquescence du lien humain dans des réseaux sociaux boosters d’ego malades. Pourtant, HER n’a rien d’un pamphlet rétrograde : la technologie (et la solitude qu’elle peut engendrer) n’est ici que la déclinaison moderne des obstacles séparant les êtres – comme l’étaient les castes dans « Roméo et Juliette », le racisme dans LOIN DU PARADIS ou les prétendues normes sociétales dans BROKEBACK MOUNTAIN. Jonze construit son amour impossible par la grâce d’une écriture dense et sophistiquée, où s’opposent la connaissance que Theodore a des sentiments d’autrui et son manque personnel d’intimité. Où se répondent la peur de Samantha que ses émotions soient programmées et celle de Theodore d’avoir déjà tout vécu. Où l’être de chair ne vit pas pleinement et où la créature dématérialisée souhaite avoir un corps pour profiter de ses élans existentiels. Dans ces questionnements, l’amour prend des atours métaphysiques voire sacrés – l’objet abritant la version portative de l’OS Samantha a tout d’un missel–, que Jonze décrypte avec une sincérité désarmante, tant dans la mélancolie poétique qu’elle dégage que dans sa rigueur parfois clinique. Derrière la modernité du propos et le tour de force de la mécanique – sans apparaître à l’écran, Samantha existe, possède une aura palpable– se cache pourtant une analyse tout ce qu’il y a de plus classique, par le menu, d’une relation amoureuse. En cela, HER prouve avec cœur et brio que l’art consiste avant tout à trouver de nouvelles façons exaltantes d’aborder une histoire déjà maintes fois contée.

De Spike Jonze. Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams. États-Unis. 2h06. Sortie le 19 mars

 

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