Cannes 2014 : CAPTIVES / Critique

16-05-2014 - 11:32 - Par

D’Atom Egoyan. Sélection officielle, en compétition.


Pitch officiel : 8 ans après la disparition de Cassandra, quelques indices troublant semblent indiquer qu’elle est toujours vivante. 
La police, ses parents et Cassandra elle-même, vont essayer d’élucider le mystère de sa disparition.

Parce qu’il est une terre de tous les possibles, le festival de Cannes permet parfois d’assister à d’émouvantes résurrections. Après le guère convaincant CHLOÉ, puis la déconvenue qu’avait été la découverte à Toronto de DEVIL’S KNOT, d’aucuns auraient pu penser Atom Egoyan fini ou incapable de pleinement convaincre à nouveau. D’aucuns auraient parlé trop vite. Avec CAPTIVES, le cinéaste canadien revient en effet dans une forme stylistique assez remarquable et convoque trois de ses précédentes réussites : LA VÉRITÉ NUE – pour la quête d’une vérité trouble et changeante –, DE BEAUX LENDEMAINS – pour l’analyse des effets qu’a la perte d’un enfant et EXOTICA – pour sa narration éclatée. Egoyan part ici d’une histoire somme toute lambda, maintes fois explorée dans le thriller contemporain – et encore récemment dans PRISONERS –, à savoir la disparition d’une petite fille. Mais comme le révèle le tout premier plan du film – un panoramique à 360° sur une étendue neigeuse –, Egoyan a ici pour ambition de dévoiler le spectre de cette histoire en refusant toute linéarité. Quitte à tourner en rond et à revenir sur ses pas. C’est donc à une véritable expérimentation narrative que le réalisateur canadien nous invite. Sans la moindre introduction ou le moindre indice préalable, dès les premières minutes, Egoyan brouille les pistes et multiplie les temporalités. En perdant immédiatement son spectateur, il le mène à un état de surprise total, à une constante absence de repères. Egoyan présente des pièces de puzzle, les éparpille sur la table et ne donne que quelques détails visuels – la longueur d’une coupe de cheveux, par exemple – pour permettre au spectateur de lentement reconstituer la chronologie des faits. Poussif ? Non. Malin : quand le spectateur croit avoir un temps d’avance, il réalise en avoir deux de retard. Quand il pense avoir cerné un personnage ou l’intrigue, une scène vient contredire cette impression. S’il insinue des doutes pour les balayer sans explication et s’il s’avère sinueux, le récit de CAPTIVES n’a rien de nébuleux. Ou de roublard. À ce titre, la plus grande force du film, outre sa capacité à bâtir une tension étouffante et une atmosphère opératique – parfois au sens littéral –, réside dans son élégance et sa sobriété. Pliant sous le poids de l’affliction de parents désarmés, de flics désabusés ou d’enfants maltraités, CAPTIVES ne succombe pas aux sirènes du spectaculaire, de l’héroïsme, de la vengeance. Les protagonistes campés par les excellents Ryan Reynolds, Mireille Enos, Rosario Dawson et Scott Speedman sont ordinaires, réagissent non comme des personnages de cinéma et, paradoxalement, ils en tirent une noblesse hautement cinématographique. C’est tout le talent de ce film décortiquant le pouvoir malsain et fantasmatique du storytelling : allier d’apparents contraires. Egoyan joue avec le spectateur sans le manipuler, il le confronte à l’horreur sans la lui montrer, donne de la substance à une construction narrative qui aurait pu tourner au gimmick. Si le réalisateur trébuche sur quelques détails – le personnage de Kevin Durand, notamment, trop cartoonesque –, il signe avec CAPTIVES un essai cinématographique évoluant à 360° : une histoire simple déroulée en une narration complexe débouchant sur des émotions limpides.

D’Atom Egoyan. Avec Ryan Reynolds, Mireille Enos, Rosario Dawson. Canada. 1h53. Sortie le 1er octobre 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.