Cannes 2014 : GRACE DE MONACO / Critique

14-05-2014 - 12:24 - Par

D’Olivier Dahan. Sélection officielle, hors compétition. Film d’ouverture.

Synopsis officiel : Lorsqu’elle épouse le Prince Rainier en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière extraordinaire. Six ans plus tard, alors que son couple rencontre de sérieuses difficultés, Alfred Hitchcock lui propose de revenir à Hollywood, pour incarner Marnie dans son prochain film. Mais c’est aussi le moment ou la France menace d’annexer Monaco, ce petit pays dont elle est maintenant la Princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir entre la flamme artistique qui la consume encore ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco.

Une route du Sud de la France, projetée sur un écran, derrière lequel la caméra va se déplacer lentement, révélant une équipe de tournage s’affairant autour de sa comédienne star. Le premier plan de GRACE DE MONACO le clame avec didactisme : le nouveau film d’Olivier Dahan entend lever le voile sur une légende, voir au-delà de l’écran. Une entrée en matière tout de même précédée par un carton prudent (« Ce film est une fiction inspirée de faits réels »), histoire de ne pas trop tenter les foudres judiciaires – le récit laisse notamment entendre que le mariage de Grace Kelly avec Rainier est une idée soumise au Prince par un prêtre. Mais la polémique n’est pas le sujet de GRACE DE MONACO. Le nœud dramatique se situe dans le dilemme qui anime Grace six ans après son union avec Rainier : doit-elle accepter le nouveau projet d’Hitchcock (PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE) et retourner à Hollywood ou assumer totalement son rôle de princesse de Monaco ? Peut-elle être tout à la fois : femme, épouse, mère, actrice et princesse de son peuple ? Trouvera-t-elle la solution et sa place dans le conflit qui oppose la France à Monaco ? Sur le papier, le sujet de GRACE DE MONACO n’a rien d’inintéressant. Cette figure tiraillée par des désirs contraires aurait même pu donner lieu à une réflexion féministe passionnante. L’anticonformisme de Grace, son romantisme forcené, son incapacité à rester femme au-delà de son statut de princesse en font un pur personnage de cinéma. Sauf que le traitement choisi par Olivier Dahan manque singulièrement de sérieux et de recul. Jamais ne parvient-il à réellement observer la femme derrière l’image – pour preuve cette multitude de plans filmant le reflet de Grace dans des miroirs, comme si Dahan craignait de se confronter frontalement à elle. Et quand il tente de le faire, c’est à une figure d’opérette qu’il donne naissance. La faute à une esthétique de roman photo abusant de halos floutés à la David Hamilton, d’images d’archives inutiles, de plans de grue ostentatoires, de très gros plans ultra signifiants, de contre-plongées illustrant le poids que le personnel du Rocher fait peser sur Grace, de musique trop appuyée ou de dialogues croquignolets – « Peu importe le trône, on achètera une ferme près de Montpellier ». Sans compter que Dahan, visiblement bien trop grisé par son sujet, filme le micro-conflit entre la France et Monte-Carlo comme s’il s’agissait de la Crise des Missiles Cubains et finit par présenter Grace comme une sorte de Barbie Diplomate plus risible que convaincante. Étouffé par l’ambition (trop) visible de Dahan de signer un grand mélodrame de l’âge d’or hollywoodien, comme s’il convoquait maladroitement Douglas Sirk, GRACE DE MONACO apparaît laborieux, souvent tiré vers le bas par un propos au final simpliste et guère émouvant. Le tout ne rendant pas du tout justice à Nicole Kidman et Tim Roth, plutôt habités. La preuve que, pour faire sens et donner des films amples et opératiques, la grandiloquence ou le mauvais goût nécessitent d’être canalisés par de grands cinéastes.

D’Olivier Dahan. Avec Nicole Kidman, Tim Roth, Frank Langella, Derek Jacobi. France. 1h43. Sortie le 14 mai

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