Cannes 2014 : MAPS TO THE STARS / Critique

18-05-2014 - 20:55 - Par

De David Cronenberg. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : À Hollywood, la ville des rêves, se télescopent les étoiles. Benjie, 13 ans et déjà star ; son père, Sanford Weiss, auteur à succès et coach des célébrités ; sa cliente, la belle Havana Segrand, qu’il aide  à se réaliser en tant que femme et actrice. La capitale du Cinéma promet aussi le bonheur sur pellicule et papier glacé à ceux qui tentent de rejoindre les étoiles : Agatha, une jeune fille devenue, à peine débarquée, l’assistante d’Havana et le séduisant chauffeur de limousine avec lequel elle se lie, Jerome Fontana, qui aspire à la célébrité. Mais alors, pourquoi dit-on qu’Hollywood est la ville des vices et des névroses, des incestes et des jalousies ? La ville des rêves fait revivre les fantômes et promet surtout le déchainement des pulsions et l’odeur du sang.

David Cronenberg aurait-il perdu tout son sens de l’humour ? C’est la question qui nous taraude à la sortie de la projection de son nouvel opus. Déjà avec COSMOPOLIS, on avait trouvé que le réalisateur se prenait un poil au sérieux. Mais on comprenait qu’il faille bien une cathédrale de cinéma pour abriter et adapter l’écriture singulière de Don DeLillo. Bizarrement, MAPS TO THE STARS cherche à s’inscrire dans la continuité esthétique de ce précédent film alors que les intentions des deux scénarios divergent fondamentalement. Si COSMOPOLIS était une fable moderne, MAPS TO THE STARS est assurément une farce. Et quoi de mieux qu’HOLLYWOOD pour faire grimacer son monde ? Le scénario de Bruce Wagner, auteur du roman déjà farcesque « Toujours L.A. », s’inscrit dans la droite lignée des pamphlets cyniques américains popularisés notamment par le style de l’écrivain Bret Easton Ellis. Tout y est exagéré, déformé, dévié pour rejouer à l’infini la rengaine bien connue qu’Hollywood est un lieu de rêve et de damnation. Et en l’état, la partition de Wagner est plutôt amusante tant elle épingle cruellement, sous forme de polar torve, des silhouettes monstrueuses de la pop culture, facilement reconnaissables. Ainsi, difficile de ne pas voir apparaître par exemple le fantôme de Frankie Muniz (acteur de MALCOLM) derrière ce personnage de jeune acteur névrosé et toxico. Evidemment, la caricature va loin et Wagner pousse le trait, s’amusant même à instaurer dans tout ça un soupçon de tragédie grecque, façon Atrides 2.0. Alléchant n’est-il pas ? Hélas, pourquoi donc David Cronenberg prend-il tout ça avec un tel esprit de sérieux ? Le script de Wagner, grotesque et méchant, appelait à une mise en scène pleine d’alacrité, qui n’aurait pas eu peur de se salir les mains dans l’outrance. Le Cronenberg 90’s aurait donc été parfait, avec juste ce qu’il faut de raideur pour que le délire éclate encore plus fort. C’est cet espoir qui rend la première partie du film intrigante. Il y a quelque chose de bizarre à voir ce scénario pop déglingué mis en scène avec une telle austérité. Les vannes fusent dans le silence le plus complet. On se dit que Cronenberg cultive l’étrangeté et le malaise sûrement pour mieux lâcher les chevaux. Il n’en est rien. MAPS TO THE STARS déplie sa noirceur et sa méchanceté morbide dans un monastère qui vise à éteindre toutes les mèches qui pourraient s’allumer. Mécanique et inhabité, le film accomplit sa tragédie comme on commande l’addition pour en finir. On nous répondra que cet aspect fantomatique et ascétique de la mise en scène sert justement un propos sur la désincarnation d’Hollywood. Sur ce terrain-là, THE CANYONS (de Paul Schrader) est alors nettement plus percutant. On attendait de Cronenberg un peu mieux qu’un simple objet théorique où les acteurs sont réduits à l’état de pantins. On a surtout la désagréable sensation que cette désincarnation du récit sert plutôt à consolider sa stature d’auteur respecté, en agitant de manière névrotique deux ou trois marottes, un peu éculées. Il y avait de belles promesses dans ce scénario et une galerie d’acteurs qui se seraient volontiers prêtés à la farce. Dommage que Cronenberg n’ait pas retenu, pour son premier « méta-film », la leçon de ses illustres prédécesseurs comme Altman, Minnelli ou Lynch. Il aurait su qu’Hollywood est une chose bien trop sérieuse pour ne pas être filmé sans fantaisie.

De David Cronenberg. Avec Julianne Moore, Mia Wasikowska, Robert Pattinson, John Cusack. Canada / France / États-Unis. 1h51. Sortie le 21 mai

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