MAN OF TAI CHI : chronique

01-05-2014 - 10:55 - Par

Et si le réal débutant Keanu reeves filmait mieux la tatane que 99% des yes men habitués du genre ? La réponse est dans la question.

Keanu Reeves ne s’est jamais remis de MATRIX. Rien de péjoratif dans cette déclaration, ni même un commentaire sur la carrière récente de l’acteur, devenu l’empereur du « Meme » Internet. Juste un constat : depuis qu’il a tâté du kung-fu via Néo, les arts martiaux semblent avoir pris une part capitale dans son imaginaire. En témoigne sa première réalisation, MAN OF TAI CHI, qui n’a pas grand-chose à voir avec la trilogie des Wachowski, mais sur laquelle il collabore avec Tiger Chen (ancien cascadeur et ici acteur principal) et Yuen Woo Ping (coordinateur des combats), qu’il avait rencontrés sur… MATRIX. Reeves suit comment Tiger, disciple d’un grand maître du tai-chi, entend prouver que son art n’a rien de décoratif. Après avoir brillé dans divers tournois, il est contacté par Donaka Mark, leader sadique d’un cercle de combats clandestins… La démarche de Reeves n’a rien d’opportuniste: au lieu de récupérer bêtement toute une culture, il tourne en Asie, en partie en cantonais et en mandarin, avec des acteurs du cru. Et se donne le rôle du bad guy. On ne peut donc aborder ce coup d’essai qu’avec bienveillance et curiosité. Surtout que le néo-réalisateur (désolé) avait teasé sec en promettant dix-huit scènes de baston pour quarante minutes d’action. Le contrat est rempli haut la main : on assiste à une multiplication étourdissante de combats en forme de ballets brutaux et gracieux. Reeves, en engageant des acteurs rompus à la castagne, peut se permettre de ne pas surdécouper et privilégie les plans larges lisibles, sans perdre une once d’énergie. Mieux, en donnant à ces scènes une place centrale, il leur laisse le temps d’acquérir un vrai sens dramatique. Dommage, donc, que le scénario puisse apparaître à certains comme un summum du bis, un catalogue de clichés éculés ou de facilités. Confer le personnage campé par Reeves lui-même, adepte de répliques sentencieuses fendardes (« Innoooocent ! »). Pourtant, difficile de lui en tenir rigueur: dépourvu du cynisme et de la paresse des DTV servis ad nauseam par Van Damme et consorts, le projet est mû par un amour sincère pour la série B, dans tout ce qu’elle peut avoir de noble et fédérateur. Et, en dépit de ses atours parfois bancals de produit nostalgique des 80’s, MAN OF TAI CHI livre une réflexion intéressante sur la façon dont l’Occident – et notamment l’ultimate fighting– a perverti l’esprit des arts martiaux en en faisant des outils de violence vidés de tout sens spirituel. Pour sa première réalisation, Reeves frappe donc plutôt fort et juste. Ça, c’est vraiment tai-chi.

De Keanu Reeves. Avec Tiger Chen, Keanu Reeves, Simon Yam. États-Unis / Chine. 1h45. SORTIE LE 30 AVRIL

 

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