Cannes 2014 : LES MERVEILLES / Critique

17-05-2014 - 23:44 - Par

D’Alice Rohrwacher. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : Dans un village en Ombrie, c’est la fin de l’été. Gelsomina vit avec ses parents et ses trois jeunes sœurs, dans une ferme délabrée où ils produisent du miel. Volontairement tenues à distance du monde par leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la nature, les filles grandissent en marge. Pourtant, les règles strictes qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de réinsertion, et par le tournage du « Village des merveilles », un jeu télévisé qui envahit la région.

Trois ans après CORPO CELESTE, la cinéaste italienne Alice Rohrwacher se penche de nouveau sur les fractures morales et idéologiques d’une petite communauté. Après des Catholiques, elle s’intéresse cette fois à une famille d’apiculteurs dont le père, sorte de hippie millénariste, croit que la fin est proche, refuse le confort le plus élémentaire et rejette la norme imposée par le système capitaliste. Accessoirement, il empêche à sa famille de s’épanouir et met bien trop de pression à sa fille préférée, Gelsomina. De quoi souhaite vraiment nous parler Alice Rohrwacher dans LES MERVEILLES ? Bonne question. Avec son nouveau film, elle se fait adepte de la chronique nébuleuse, suivant le quotidien de cette famille sans y appliquer le moindre enjeu palpable. Bien sûr, la tension qui sous-tend les relations entre le père, sa femme et sa progéniture est exposée. Mais avec un recul si calculé, une manière si distanciée de ne pas y toucher, presque du bout des lèvres, que LES MERVEILLES peine à susciter le moindre intérêt pour ses personnages. Comme si, planquée derrière sa caméra naturaliste, Rohrwacher refusait d’impliquer son propre regard et laissait le public faire entièrement le boulot. Comme si elle filmait davantage de grandes idées – sur la vie, sur la déliquescence des campagnes ou sur le pouvoir trompeur et fantasmatique de la télé – que de véritables êtres de chair et de sang. De scène en scène, LES MERVEILLES apparaît toujours plus dénué d’intrigue et les quelques éléments de pure dramaturgie insérés dans le récit – l’arrivée dans la famille d’un jeune garçon délinquant –, dont on attend qu’ils apportent un regain d’enjeux, ne servent au final pas de réel mouvement narratif. À force d’épurer, Rohrwacher finit ainsi par désincarner totalement cette famille hésitant entre l’hystérie repoussante et l’apathie ennuyeuse. Si bien que les personnages apparaissent plus comme des pantins d’un propos que comme les acteurs de leur propre histoire. Jusqu’à ces quelques plans finaux – dont un nous refait carrément le mythe de la caverne selon Platon –, extrêmement désagréables, où la cinéaste noie le poisson d’une manière poético-roublarde. De quoi parachever le sentiment du spectateur d’avoir été gentiment roulé dans la farine.

D’Alice Rohrwacher. Avec Monica Bellucci, Maria Alexandra Lungu, Sam Louwyck, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo. Italie. 1h50. Prochainement.

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.