Cannes 2014 : TIMBUKTU / Critique

15-05-2014 - 09:50 - Par

De Abderrahmane Sissako. Sélection officielle, en compétition


Synopsis officiel : Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s’en est pris à “GPS” sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…

« Ne la tuez pas, fatiguez la », disent des hommes armés, alors qu’une antilope détale à l’écran. C’est tactique, le djihad : on épuise le peuple avec des lois arbitraires et des préceptes même pas coraniques, on menace avec des armes automatiques, on condamne sans procès, on éreinte des croyants qui, humiliés, fatigués et oppressés par des interdictions de plus en plus drastiques et illogiques, vont « fauter », forcément. Et après, on tue. Dans TIMBUKTU, chronique d’une population assiégée par les djihadistes, chaque homme et chaque femme sont décrits avec une humanité criante. Même les combattants, qui sont parfois des croyants de peu de foi. Encore plus désarçonnant, TIMBUKTU ne manque pas d’humour, un moyen de défense qui garde le film (et son sujet ultraviolent) de tomber dans le pensum lourd et permet d’ajouter une dimension fictionnelle forte à une dimension quasi documentaire. Abderrahmane Sissako joue la simplicité et permet de provoquer un débat complexe et de le déplacer au-delà d’une actualité quotidienne qui l’a rendu abstrait vu d’Europe. Dans ce village agressé par l’islam radical, on ne peut pas se comprendre : Sissako souligne l’incommunicabilité qui régit ces régions occupées d’Afrique. Entre les moudjahidins (de toutes nationalités réunis sous la bannière du djihad) et la population d’une part, et entre les extrémistes mêmes. Anglais, français, arabe, tamasheq… Tous parlent une langue ou un dialecte différent, tout est laborieux mais tout finit par s’organiser comme un cancer. Une vieille sorcière traite les occupants de connards, et ça, tout le monde comprend. Si Sissako a parfois le regard léger tout en ayant le talent pour créer des personnages de chair, le portrait est dur. TIMBUKTU progresse de sentence en sentence, de procès expéditif en procès expéditif, de mariage forcé en peine de mort, de lapidations en coups de fouet par lot de 40, et dresse la carte des souffrances d’un village suspendu aux interdictions et à leurs conséquences mortelles. Là-bas, il y a des orphelins à la pelle. Mais la liberté résiste tant qu’elle peut, quitte à ce que des mômes détournent cette « loi » anti-football en organisant un match sans ballon, sans aucun doute une scène qui marquera le festival par sa soif de vie.

De Abderrahmane Sissako. Avec Ibrahim Ahmed dit Pinaccredo, Toulou Kiki, Abel Jafri. France/Mauritanie. 1h37. Prochainement

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