Cannes 2014 : RUN / Critique

17-05-2014 - 23:30 - Par

De Philippe Lacôte. Sélection officielle, Un Certain Regard


Synopsis officiel : Run s’enfuit… Il vient de tuer le Premier ministre de son pays.
Pour cela il a dû prendre le visage et les vêtements d’un fou, errant à travers la ville. Sa vie lui revient par flashes ; son enfance avec maître Tourou quand il rêvait de devenir faiseur de pluie, ses aventures avec Gladys la mangeuse et son passé de milicien en tant que Jeune Patriote, au cœur du conflit politique et militaire en Côte d’Ivoire.
Toutes ses vies, Run ne les a pas choisies. À chaque fois, il s’est laissé happer par elles, en fuyant une vie précédente. C’est pour ça qu’il s’appelle Run.


C’est toujours émouvant de découvrir ce qu’un cinéaste, jeune et qui signe son premier long-métrage, a à partager. Quel univers il veut développer, quelle imagerie il créera. Est-ce qu’il aura une identité forte, par exemple ? Lorsque Philippe Lacôte présente son film sur scène, il cite les films de Bruce Lee comme une part significative de sa cinéphilie. Et ça se voit. Non pas que son héros, Run, ait quoi que ce soit à voir avec l’artiste martial mythique, mais parce que derrière le premier plan de son film, il y a l’influence flagrante du cinéma d’exploitation des années 70. Ce n’est pas un plan sorcier : juste un travelling arrière centré sur Run, jeune ivoirien qui a un élastique autour du front, un « t-shirt » en toile de jute et un flingue à la main, le regard concentré et qui s’arrête soudain : « Par l’éclair et par les cieux, éléphant ne bouge plus ». Et puis il tire. Run vient d’abattre le Premier ministre de son pays. Pendant 100 minutes, Lacôte va vous expliquer pourquoi son personnage – immédiatement iconisé comme une figure du cinéma d’action (bis) – en est arrivé là. La promesse, imposante, n’est évidemment pas tenue mais ce n’est pas grave, Lacôte nous a harponnés. Ensuite, l’impact ne sera plus tout à fait à la hauteur et ce, même s’il fera tomber des étoiles du ciel et s’abattre une pluie de criquets, décapitera un faiseur de pluie et créera un orage artificiel surréel. Même s’il crée super-Gladys, mangeuse professionnelle. Le mysticisme en écrin, RUN emprunte quelques codes au film de genre mais est clairement et avant toute chose un film social. Un film qui veut décoder un pays ayant traversé une période de trouble profond ainsi que sa jeunesse très politisée, en quête de figure d’identification et de héros, et peut-être tentée par la radicalisation. Souvent hélas, le discours prend le dessus sur le cinéma – une maladresse due à l’inexpérience de son auteur – et c’est le rythme et le caractère du film qui en pâtissent. Les dialogues sur-écrits finissent par patiner en bouche. Mais si les mots sonnent faux, l’authenticité du discours est indéniable. Chez Philippe Lacôte, on décèle un besoin urgent et sincère de faire du cinéma. Avec plus d’assurance, il sera très probablement un grand cinéaste, de ceux qui se créent leur propre langage et rallient à leur cause un public en demande de points de vue forts.

De Philippe Lacôte. Avec Isaach de Bankolé, Abdoul Karim Konaté, Rasmané Ouédraogo. Côte d’Ivoire/France. 1h40. Prochainement

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.