Cannes 2014 : CHARLIE’S COUNTRY / Critique

23-05-2014 - 23:59 - Par

De Rolf de Heer. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis : Charlie vieillit et n’a pas le cœur à la fête. Les lois australiennes rendent sa vie difficile – on lui a confisqué sa lance – et sa communauté aborigène, qui peine à imposer ses racines à une société dominée par les lois blanches, ne cherche aucunement à changer les choses. Il décide alors de quitter sa communauté et de repartir vivre dans l’Outback, seul, à l’ancienne. Là, il réalise que le monde qu’il chérit, celui de ses ancêtres, n’existe plus vraiment et bientôt malade, il doit se rendre dans un hôpital. Il déclenche alors une chaîne incontrôlable d’événements.

« Tu as un travail, tu as une maison sur ma terre. Où est mon travail, où est ma maison ? » dit Charlie (David Gulpilil), aborigène, au policier blanc. Il y a de quoi s’énerver : le pays de Charlie, ce n’est plus le sien. On lui impose des lois qu’il ne peut pas comprendre. Il ne peut pas avoir d’armes pour chasser, il ne peut donc pas manger le fruit de ce que sa terre lui offre. Il est contraint à consommer mais on ne lui donne pas les moyens, ni vraiment l’envie. L’homme blanc est probablement le cancer du peuple aborigène qui meurt de faim ou noie son ostracisme dans l’alcool qu’il n’a pas le droit d’acheter. On le traite d’étranger mais il est né là, au sein du bush australien. Face à la tradition et une communauté aussi vieille que le continent australien, la violence de la civilisation est indicible. Charlie, précieux anachronisme d’un monde qui ne court après rien, traîne son regard désenchanté et ses guêtres usées dans sa nature, au-delà de sa Réserve aborigène, jusqu’à s’en rendre malade. CHARLIE’S COUNTRY entend rendre son honneur à un peuple opprimé, un peuple dont les rouages sont huilés de générosité et de solidarité mais qui a été écrasé physiquement et psychologiquement. Le périple de Charlie, qui dégénère dans l’alcoolisme et dans la misère totale sous les yeux indifférents ou inquisiteurs, est un accéléré de ce que les aborigènes ont subi depuis que leur territoire a été colonisé. C’est narratif, parfois d’une ironie grinçante, à la portée de tout le monde. Puis CHARLIE’S COUNTRY, d’abord chronique d’un paria, bifurque vers le brûlot engagé qui dénonce sans ambages. Le regard plongé dans l’objectif de la caméra de Rolf De Heer, Charlie sera rasé (ses longs cheveux, sa barbe noble). Après, il se tiendra droit derrière des barreaux, les yeux rivés vers nous comme dans l’attente d’une réaction révoltée. Ce n’est pas bien subtil, mais c’est désespéré. Il n’y a de toute façon pas 36 manières de filmer la dépossession d’un peuple de toute sa culture.

De Rolf de Heer. Avec David Gulpilil, Luke Ford, Peter Minygululu, Jennifer Budukpuduk Gaykamangu. Australie. 1h48. Prochainement.

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