Cannes 2014 : WHITE GOD / Critique

18-05-2014 - 10:26 - Par

De Kornél Mundruczó. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis : Le scénario retrace les mésaventures d’une fille de 13 ans et de son meilleur ami, un chien, dans un monde d’élus et des perdants, un monde où le pedigree est un facteur déterminant. Mais la véritable affection peut parfois réussir à triompher et à se révolter contre un destin injuste. Le film entend ainsi défendre l’espérance de la paix et l’espoir que la guerre éternelle entre existences supérieures et inférieures prendra fin un jour. (Source : Cineuropa)

Kornél Mundruczó a changé. Mieux : Kornél Mundruczó a évolué. Par le passé, nous avions admiré les talents visuels du cinéaste hongrois, la richesse de ses compositions, la précision de sa mise en scène, l’importance des décors dans la psychologie de ses personnages. Sauf que, de JOHANNA à TENDER SON en passant par DELTA, le cinéma de Mundruczó semblait souvent trop cérébral, guère généreux. Avec WHITE GOD, il change la donne. À elle seule, la première scène – une jeune fille traverse à vélo une Budapest vidée de ses habitants, bientôt rejointe par une meute de chiens – suffit à mettre le palpitant en émoi. En contant l’histoire de Lili, jeune ado de 13 ans qu’une loi absurde sur les chiens croisés va séparer de Hagen, son compagnon à quatre pattes, Kornél Mundruczó se lance un défi de taille : chroniquer l’amitié homme-animal sans tomber dans l’anthropomorphisme et se servir de ce thème classique pour livrer un pamphlet politique extrêmement moderne. Ici, le chien errant fait ainsi office de symbole des bannis de la société, honnis par le système libéral ou par la norme sociétale, forcés à manger dans les poubelles, regardés de biais ou craints par une foule désensibilisée à la souffrance d’autrui. Du coup, Mundruczó joue clairement sur une certaine irréalité, où l’Homme se montre volontairement très hostile à l’égard des chiens bâtards et a des réactions extrêmes presque dignes d’une satire burlesque. Une façon très maligne de souligner l’absurdité que représente la peur de l’autre et des conséquences tragiques qu’elle entraîne. Qu’ils soient traqués par la fourrière – dans des séquences aux atours de rafles –, pourchassés par un boucher sanguinaire, trahis par un SDF sournois, vendus comme de vulgaires bouts de viande ou entraînés à des combats à mort, les chiens sont ici les héros malheureux d’un conte classique digne de Dickens ou d’une fable sociale où Hagen revêtirait les guenilles des « Misérables » d’Hugo. Un propos que le spectateur prend d’autant plus en pleine poire que Mundruczó saisit à la perfection l’émotion abstraite et quasi métaphysique qui réside dans le lien pur et indéfectible unissant un chien à son maître. Le réalisateur filme ses stars à quatre pattes avec une noblesse bouleversante, leur offre une aura fantasmatique dans des plans jamais vus – de véritables tours de force techniques –, mais ne se sert jamais d’eux pour asseoir sa propre virtuosité. Car visiblement humble face aux chiens qu’il met en scène, Mundruczó met de côté son rigorisme passé et opte pour une mise en scène énergique, au service d’une vivacité visuelle et émotionnelle. Jusqu’à ce dernier tiers, aux thèmes proches de DRAGONS 2 – lui aussi présenté à Cannes – et qui mène à un troisième acte à la puissance digne du final de LA PLANÈTE DES SINGES : LES ORIGINES. Là, le réalisateur affiche un appétit de filmer encore plus évident, convoquant les codes du film d’horreur, de la SF d’anticipation, du slasher et du revenge movie pour une conclusion euphorisante, déchirante et gorgée de cinoche. Frissons, larmes, euphorie : Kornél Mundruczó prouve avec WHITE GOD qu’il sait insuffler du cœur à son cinéma sans perdre une once de la puissance picturale et thématique qui le caractérisait jusqu’à présent.

De Kornél Mundruczó. Avec Zsófia Psotta, Sándor Zsótér, Lili Horváth, Lili Monori. Hongrie. Prochainement.

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