Cannes 2014 : TU DORS NICOLE / Critique

20-05-2014 - 17:15 - Par

De Stéphane Lafleur. Quinzaine des réalisateurs.

Synopsis officiel : Profitant de la maison familiale en l’absence de ses parents, Nicole passe paisiblement l’été de ses 22 ans en compagnie de sa meilleure amie Véronique. Alors que leurs vacances s’annoncent sans surprise, le frère aîné de Nicole débarque avec son groupe de musique pour enregistrer un album. Leur présence envahissante vient rapidement ébranler la relation entre les deux amies. L’été prend alors une autre tournure, marqué par la canicule, l’insomnie grandissante de Nicole et les avances insistantes d’un garçon de 10 ans. Tu dors Nicole observe avec humour le début de l’âge adulte et son lot de possibles.

Petite sœur québécoise de la FRANCES HA de Noah Baumbach, Nicole traîne son ennui en Noir & Blanc, le temps d’un été. Lassée et lascive, elle arpente à vélo avec son amie Véronique les rues d’une banlieue sans vie, plie des vêtements pour gagner un peu d’argent, mange des glaces et fait l’amour. Rien de bien original et pourtant… Toute la bizarrerie charmante de ce second long-métrage vient des légers décalages que le réalisateur Stéphane Lafleur opère par petite touche. Comme si le film fondait sous la chaleur cuisante de la canicule, le quotidien de Nicole se déforme tout doucement. Par un glissement progressif, le récit adopte la somnolence et la narcolepsie de son héroïne. Ponctué de fondus au noir qui suspendent les séquences entre elles, TU DORS NICOLE met donc à rude épreuve l’éveil du festivalier déjà bien amoché par les jours précédents. À Cannes, le sommeil sur l’écran pourrait bien vite se propager dans la salle. Mais le tour de force de Lafleur, c’est d’avoir réussi à créer par sa mise en scène très formaliste une sorte d’entre-deux permanent. À mi-chemin entre l’onirisme et le banal, le film trace le parcours somnambulique « d’une jeune fille en fleur » qui se demande si elle devrait vraiment éclore. Lafleur travaille alors une matière très sensible, très charnelle, portée notamment par une musique omniprésente très physique, et confronte le corps fragile de Nicole avec tout un tas d’obstacles et de désillusions. Naviguant en équilibre sur le fil ténu du charme bizarroïde, TU DORS NICOLE peut nous faire à tout moment décrocher. Mais l’attention singulière du réalisateur aux corps de ses acteurs, la manière dont il réussit à écrire un film à la fois très concret et parfaitement en apesanteur, maintient l’attention. Après VIC + FLO ONT VU UN OURS, Marc-André Grondin confirme que sa nouvelle carrure de québécois baraqué lui octroie une présence animale et inquiétante extrêmement séduisante. Mais on gardera surtout de cette parenthèse endormie les apparitions poético-comiques d’un petit garçon à la voix grave. Drôle, curieux et inquiétant, ce beau personnage résume à lui seul le charme de ce film singulier qui fonctionne comme une berceuse folk déglinguée.

De Stéphane Lafleur. Avec Julianne Côté, Marc-André Grondin, Catherine St-Laurent. Québec. 1h33. Prochainement 

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