Cannes 2014 : QUEEN & COUNTRY / Critique

20-05-2014 - 11:30 - Par

De John Boorman. Quinzaine des Réalisateurs.

Synopsis officiel : 1952. Bill Rohan a 18 ans et traîne pensif et heureux sur les bords du fleuve, où sa famille a une maison. Son rêve va être brisé par la guerre de Corée, la conscription et la dure réalité du camp militaire où il fait ses classes. Il y rencontre Percy avec qui il se lie d’amitié. Après leur entrainement, de nombreux conscrits sont envoyés en Corée.  Bill et Percy ont eux la chance de se retrouver instructeurs dans un camp d’entraînement. Ils vont comploter contre un sergent insupportable. Ils feront également quelques incursions dans le monde extérieur. Au cours de l’une d’elle, Bill tombe amoureux d’une fille inaccessible.

Dans HOPE & GLORY : LA GUERRE À SEPT ANS (1987), John Boorman, alors auréolé de deux décennies de succès commerciaux et / ou artistiques majeurs (LE POINT DE NON RETOUR, DUEL DANS LE PACIFIQUE, DÉLIVRANCE, EXCALIBUR, LA FORÊT D’ÉMERAUDE) faisait un bond dans le passé et contait son enfance londonienne durant la Seconde Guerre mondiale. Vingt-sept ans après cette première autobiographie, le cinéaste, absent des plateaux depuis huit ans et THE TIGER’S TAIL (inédit en France), donne une suite à ses Mémoires cinématographiques avec QUEEN & COUNTRY. Cette fois, il se penche sur ses deux années de service militaire, au début des années 1950, alors que l’armée de sa Majesté était engagée sur le front coréen. Il y rencontre Percy, jeune rebelle refusant l’autorité autant que le conformisme : « Ça ne peut être que le début d’une putain de belle amitié », se disent-ils en citant CASABLANCA, le juron en cerise sur le gâteau. Cet instant où Bill et Percy, en une seconde, scellent un pacte éternel résume le charme suranné, mais bien réel, que déploie QUEEN & COUNTRY. Si Boorman a par le passé livré des œuvres plus ambitieuses, plus amples ou tout simplement plus marquantes que celle-ci, QUEEN & COUNTRY tire sa beauté de la pureté des ses intentions. En rouvrant le livre de sa propre existence, le cinéaste ne semble avoir d’autre objectif que celui du souvenir enchanteur, de la mélancolie du temps qui passe. Mais jamais celui de la nostalgie passéiste ou réactionnaire. Boorman décrit simplement ce que lui a vécu et qui, à bien des égards, a défini une époque : celle d’une jeunesse moins prude que la précédente, davantage ouverte sur le monde, avide de liberté, de reconnaissance et d’égalité. Une génération qui vit ses espoirs en partie par procuration avant de les concrétiser, en fantasmant sur les stars de l’époque – Jane Russell ! – ou en découvrant les films d’Hitchcock et de Kurosawa. Cet éveil au cinéma décrit dans le film – qui mènera inexorablement Boorman à sa carrière de cinéaste –, il lui donne corps en le mettant en parallèle de son épanouissement amoureux et sexuel. Avec le recul de l’homme sage n’ayant plus rien à prouver, à gagner ou à perdre, Boorman analyse avec finesse les atours trompeurs de la passion, les détours surprenants que prend l’amour. Il observe sa naïveté avec tendresse, déconstruit son expérience militaire avec une irrévérence drolatique et n’oublie pas non plus de juger ses propres erreurs d’appréciation d’alors – « Ne sous estime pas le pouvoir de la tradition », lui dit son père. Bien servi par un casting de jeunes acteurs et actrices qui donnent à QUEEN & COUNTRY une vivacité indéniable, John Boorman signe ainsi une chronique biographique qui, par sa simplicité apparente et sa sincérité évidente, atteint une certaine vérité du cinéma. « Dans la vie, on n’a qu’une chance », déclare Bill lorsqu’il assiste au tournage d’un film dont une prise est faite et refaite à l’infini. En revivant son existence par pellicule interposée, Boorman suspend le temps et vainc ainsi cette caméra qui un jour, cessera de tourner.

De John Boorman. Avec Callum Turner, Caleb Landry Jones, David Thewlis, Tamsin Egerton. 1h54. Royaume-Uni. Prochainement.

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