GODZILLA : chronique

02-06-2014 - 13:47 - Par

Gareth Edwards ressuscite le monstre japonais avec élan et passion, mais surtout un propos aussi malicieux qu’enthousiasmant.

« Je ne veux pas passer pour l’Américain névrosé » : ce simple dialogue balancé par un Bryan Cranston tout tendu résumerait presque le challenge que représentait de ressusciter Godzilla seize ans après la première tentative hollywoodienne en la matière due à Roland Emmerich. Surtout que, pour ce faire, les studios Warner ont engagé Gareth Edwards, jeune cinéaste britannique dont le seul fait d’arme était une SF indé et fauchée, MONSTERS. Le plus frappant dans ce nouveau GODZILLA s’avère la passion indéniable et visible d’Edwards : véritable amateur de monster movies, dénué du cynisme du yes man en goguette, le jeune réalisateur se saisit de son sujet avec un appétit emballant et ce dès le générique, relecture conspirationniste et très 70’s dans l’âme du mythe de la Toho. Une manière pour lui de bâtir instantanément une tension palpable et de créer la fascination immédiate du spectateur. Via ce générique jouant avec l’imagerie du complot, Edwards affiche ses intentions : son GODZILLA tournera constamment autour de la notion du secret, qu’il soit purement narratif ou plus esthétique et visuel. À la manière de Steven Spielberg (qu’il s’agisse des DENTS DE LA MER, RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE ou même JURASSIC PARK), Edwards laisse son Godzilla dans l’ombre, il ne le révèle que par fragments, en une sorte de ballet impressionniste dansant sur la frustration du public. Mieux : en choisissant parfois de dévoiler le monstre sur des écrans de télé, il joue habilement sur le pouvoir de fascination de Godzilla, mettant sur un pied d’égalité l’émerveillement craintif des personnages et celui des spectateurs du film. Autant de manières de créer l’empathie et l’engagement du public. On regrettera pourtant qu’à force, ces mécanismes s’épuisent, Edwards ne parvenant jamais – sauf vers la toute fin – à dévoiler plein pot ce qu’il filme. Sa mise en scène, parfois étriquée dans des cadres manquant d’ampleur ou engoncée dans une atmosphère à 98% nocturne (la nouvelle plaie moderne, cf PACIFIC RIM), ne rend ainsi pas nécessairement justice à la puissance iconique de certaines de ses images. De même, on pourra remettre en question l’écriture un poil désincarnée des personnages humains ou son choix de s’attarder parfois davantage sur les MUTO que sur Godzilla même. À défaut de livrer le spectacle total attendu, GODZILLA se rattrape néanmoins largement sur son propos. En faisant du film une exploration du combat entre Humanité et Nature, Edwards montre des Hommes qui passent leur temps à courir après leur propre pouvoir, à tenter de rattraper leurs erreurs et à réaliser leur totale impuissance. L’absence totale de « virilité » – ou d’excès de virilité – et d’héroïsme permet alors à Godzilla de devenir le véritable héros du film, et à celui-ci de livrer un regard presque anachronique car anti spectaculaire sur le genre dans lequel il évolue.

De Gareth Edwards. Avec Aaron Johnson, Bryan Cranston, Elizabeth Olsen. États-Unis. 2h03. En salles.

 

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