DOM HEMINGWAY : chronique

04-06-2014 - 14:25 - Par

Sans un Jude Law stratosphérique en malfrat affreux, bête et méchant, DOM HEMINGWAY ne serait rien. Mais c’est déjà beaucoup.

« Ma bite est exquise. Un tableau de ma bite devrait être exposé au Louvre. » DOM HEMINGWAY démarre sous les meilleurs auspices : à savoir avec un Jude Law gaulé comme une armoire à glace nourrie à la bière, appréciant une petite gâterie et devisant pendant plusieurs minutes, face caméra, de son engin. Qui est exquis, donc. Dire que l’acteur trop longtemps admiré pour sa plastique fadasse de gendre idéal brise ici son image ne parviendrait pas encore à décrire le manque total d’ego dont il fait preuve dans DOM HEMINGWAY. Près de dix ans après THE MATADOR, dans lequel il filmait mollement Pierce Brosnan se moquer de son héritage bondien, le réalisateur Richard Shephard réussit donc cette fois pleinement son coup. Car dans sa façon de suivre avec une folle énergie ce quadragénaire vitupérer, frapper, picoler, baiser, sniffer et se foutre de virtuellement toutes les règles de bienséance, DOM HEMINGWAY apparaît comme un fils bâtard de L’ANGLAIS et BRONSON. Avec Dom, petite frappe sortant de douze ans de taule et cherchant à 1/récupérer l’argent d’un casse pour lequel il n’a pas balancé son boss et 2/regagner l’estime de sa fille, Richard Shepard parvient à réunir deux figures anglaises fantasmatiques : le prolo punk et le héros shakespearien. Un mec capable de se dire « paysan, au fond », de vanter « le code éthique du criminel » et de « préférer se taper une pinte plutôt que de tuer » un pauvre mec qui n’avait rien demandé. Ou de se lancer dans de longues tirades chevaleresques au langage soutenu qui ne détoneraient pas dans « Richard III » ou « Macbeth ». Mais derrière cette hilarante et souvent fascinante avalanche de bruit et de fureur, Dom va peu à peu révéler un petit cœur qui bat. Là, dans la quête de rédemption de son protagoniste, DOM HEMINGWAY se révèle parfois moins assuré. Le récit se fait moins original et plus maladroit, comme s’il avait du mal à imposer la crédibilité des sentiments de son personnage, au point d’avoir recours à quelques poncifs gênants. Heureuse-ment, Jude Law, en parfaite maîtrise de sa prestation, rattrape la donne et réussit à susciter de vraies belles et sincères émotions lors des face-à- face de Dom avec sa fille et surtout son petit-fils mutique. Sans l’implication totale du comédien et sa capacité remarquable à danser sur le fil de l’outrance, à constamment relancer l’intérêt du spectateur en dépit d’un script prévisible dans son dernier acte, l’intérêt de DOM HEMINGWAY se serait sans doute avéré bien moindre. Une des performances de l’année.

De Richard Shepard. Avec Jude Law, Richard E. Grant, Emilia Clarke. Grande-Bretagne. 1h33. Sortie le 4 juin

 

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