Toronto 2014 : THE KEEPING ROOM / Critique

09-09-2014 - 17:33 - Par

Une idée séduisante qui au final ne tient pas totalement la route en raison d’un manque de rigueur.

Daniel Barber aime les héros non conventionnels. Dans HARRY BROWN, il donnait la vedette à un vieil homme (campé par Michael Caine) dont il faisait un redresseur de torts badass. Pour son deuxième film, THE KEEPING ROOM, il signe un western / home invasion en temps de guerre (celle de Sécession) dont les protagonistes sont des femmes. Trois femmes : les sœurs Augusta (Brit Marling) et Louise (Hailee Steinfeld) et leur esclave qui n’en est plus franchement une, Mad (Muna Otaru), vivant en autarcie, sans les hommes retenus au front, sans autre famille qu’elles trois. Des femmes qui, comme le dit Augusta, ont dû apprendre à devenir des hommes pour survivre – à savoir assumer les tâches généralement masculines de l’époque comme la chasse, par exemple. Ce cocon féminin qui semble retiré du monde alors que le conflit est sur le point de se conclure, Barber le filme avec élégie : Augusta chasse dans une forêt de conte de fées, Louise rêvasse sur une balançoire sous une canopée filtrant les rayons du soleil, Mad brosse lentement le cheval sur un air lancinant et grinçant de violon. Cette atmosphère que l’on qualifierait de ‘malickienne’ si le terme n’était en plein processus de galvaudage, baigne THE KEEPING ROOM dans une certaine étrangeté mais aussi l’ancre dans une tension qui s’ignore. Car le spectateur, lui, sait que dans les parages rôdent deux soldats, deux violeurs et assassins sanguinaires et cruels. Tout comme dans HARRY BROWN (autre face-à-face entre deux microcosmes opposés), c’est avec un surgissement soudain de violence que Barber filme la collision des deux mondes. Furetant subitement vers le film de genre, THE KEEPING ROOM perd alors paradoxalement sa substance. Certes, l’affrontement entre Brit Marling et Sam Worthington, bien qu’étiré artificiellement, dégage une certaine puissance filmique. Voir des femmes répliquer aux attaques des hommes avec les armes de ces derniers a même quelque chose de bizarrement exaltant. Mais THE KEEPING ROOM accumule dans son dernier acte trop d’incohérences, trop de trous dans son intrigue et d’approximations dans la psychologie comportementale de ses héroïnes pour convaincre. Le film perd alors de son intérêt et laisse un vague sentiment de gâchis. Car son idée principale – explorer la violence du monde à travers les yeux de femmes forcées de devenir ce qu’elles combattent ; regarder le monde changer à travers le regard des femmes via un genre généralement masculin – reste profondément séduisante et intéressante. Sans doute méritait-elle un montage plus ramassé et un traitement un peu plus rigoureux dans son dernier acte.

De Daniel Barber. Avec Brit Marling, Hailee Steinfeld, Muna Otaru, Sam Worthington. États-Unis. 1h35. Prochainement

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.