Toronto 2014 : THEY HAVE ESCAPED / Critique

09-09-2014 - 21:15 - Par

Un drame social dérivant lentement vers le cauchemar horrifique, la romance psychédélique et le « coming of age » onirique. Inégal, mais extrêmement intrigant.

« J’ai imaginé THEY HAVE ESCAPED comme un conte de fées expressionniste, qui évoluerait tout du long d’un point de vue stylistique. ». Dans Cinemateaser Magazine n°36, le réalisateur finlandais JP Valkeapää nous avait prévenus : son deuxième long-métrage après LE VISITEUR (2008) ne jouerait pas la carte de la sécurité, du récit tranquillement engagé sur des rails confortables. Joni, jeune homme beg ayant déserté le service militaire, se voit « condamné » à devenir surveillant dans un centre de détention pour jeunes à problèmes. S’il fuit, il ira en prison. Là, il rencontre Raisa, jeune fille au tempérament assuré refusant avec violence de se soumettre à la moindre autorité. Un soir, Joni propose à Raisa de voler la voiture du centre et de décamper… THEY HAVE ESCAPED débute de manière si ce n’est convenue, au moins balisée. Joni et Raisa, aussi opposés que complémentaires, l’un mutique l’autre furieuse, renvoient à des stéréotypes classiques du cinéma de l’adolescence. Pourtant, dès cette première partie, Valkeapää parvient à saisir le spectateur via une esthétique ne s’embarrassant d’aucune limite – le travail sur le son, notamment, s’avère passionnant – et un récit mus par quelques élans exaltés posant les bases de l’imprévisibilité à venir de THEY HAVE ESCAPED. Car si les premiers instants de la fuite de Joni et Raisa ont tout d’une échappée belle – avec son lot de passages obligés – les embûches ne vont pas tarder à s’accumuler. À mesure que le chaos s’empare de la vie des deux jeunes gens, la narration, elle aussi, se fait plus erratique et Valkeapää use alors d’ellipses malignes, au caractère hautement narratif. Peu à peu, de romantique et élégiaque, THEY HAVE ESCAPED se fait plus délétère, bouscule le spectateur et le mène vers des terrains bien plus dérangeants – notamment des scènes de cauchemar esthétiquement superbes – et bien plus étranges. Ainsi, Valkeapää embrasse sans ciller un onirisme païen, explore le lien organique à la nature de manière frontale, en une sorte de délire hippie aussi psychédélique et sincère qu’exagéré. Quitte à déraper et flirter avec une certaine imagerie publicitaire – l’utilisation maladroite de la musique classique lors d’une séquence de trip narcotique y est pour beaucoup. On croit alors que THEY HAVE ESCAPED a tout donné, mais non : le cinéaste se permet encore un ultime basculement à trente minutes de la fin et fait déraper son film dans l’horreur, sans prévenir. Si bien que lorsque les dernières secondes s’égrènent, impossible de décoder vraiment quel est l’ADN de THEY HAVE ESCAPED, si ce n’est qu’il a effectivement tout du conte de fées déviant dont les personnages seraient perdus dans un monde n’ayant rien compris à leur soif d’amour et de liberté. Inégal, parfois bancal, mais une vraie proposition de cinéma intrigante et prometteuse.

De JP Valkeapää. Avec Pelle Heikkilä, Roosa Söderholm, Teppo Manner. Finlande. 1h37. Prochainement

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