UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ : chronique

17-09-2014 - 10:17 - Par

Comme LA TAUPE, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ est un film d’espionnage contrit, anti spectaculaire et hanté par les questions morales.

Issa, jeune russo-tchétchène, arrive clandestinement à Hambourg. Rapidement, son passé présumé d’islamiste radical éveille l’intérêt des services secrets allemands et internationaux… À la faveur du succès de LA TAUPE, les écrits de John Le Carré attirent de nouveau l’attention des producteurs de cinéma. Sans doute qu’avec leur description précise des mécanismes régissant les services de renseignement répondent-ils à un désir actuel de mieux appréhender la géopolitique de l’ombre et offrent-ils un contrepoint à la fiction rebattue de l’héroïsme. Ainsi, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ – le roman, comme le film qui s’en inspire –, se pose en radiographie désenchantée et sardonique de l’après 11- septembre. Et si l’on doit juger la qualité d’une adaptation à son refus de la littéralité au profit d’une compréhension du propos avant tout, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ s’impose en traduction brillante de l’œuvre de Le Carré. Car si les événements décrits dans le film d’Anton Corbijn suivent peu ou prou ceux du bouquin, le scénario effectue un retournement total de point de vue. Là où le livre mettait tout d’abord l’accent sur Issa pour laisser les services secrets prendre sournoisement le devant de la scène, le long-métrage prend le parti inverse, faisant d’UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ un récit d’espionnage plus classique et moins mystérieux. Mais la pertinence du message, elle, demeure. Avec son rejet bienvenu du spectaculaire – voire de toute modernité stylistique trop voyante –, sa mise en scène roide et ses personnages ambivalents, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ bâtit avec patience un puzzle narratif parfaitement maîtrisé et décrit avec subtilité les jeux de mensonges et de trahison, les dilemmes moraux de certains espions, l’envahissante ingérence américaine dans les affaires mondiales – ou la soumission volontaire des Européens, c’est selon –, les conflits d’intérêts et les rivalités d’ego. Tout cela au nom de la sécurité de l’Occident et de valeurs au final assez floues. Tout comme LA TAUPE, dont il n’a toutefois pas l’élan pop mélancolique, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ plie sous la contrition. Sa figure principale, Günther Bachmann, y apparaît même assez proche de son homologue anglais des 60’s, George Smiley. Et tout comme Smiley avait été incarné avec brio par Gary Oldman, Bachmann bénéficie du talent de son interprète, Philip Seymour Hoffman, dont le visage mutique et la démarche empesée lui offrent une dimension tragique bouleversante. Jusqu’à ce superbe dernier plan suintant de tristesse et de désillusion, sortie de scène morose renvoyant douloureusement à la réalité du décès du comédien.

D’Anton Corbijn. Avec Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams. États-Unis/ Grande-Bretagne / Allemagne. 2h01. Sortie le 17 septembre

 

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