GET ON UP : chronique

24-09-2014 - 09:23 - Par

Le parrain de la soul James Brown reprend vie grâce à la folle énergie de Chadwick Boseman et aux parti prix d’un biopic évitant nombre d’écueils du genre.

The Godfather of Soul. Père de la funk. Auteur de centaines de chansons comme autant d’hymnes de la culture populaire. Artiste le plus samplé de l’Histoire. Gamin né dans la misère. Chantre du « I’m Black and I’m proud ». Symbole de l’affirmation des Afro-américains. L’homme dont la mort donna lieu à un cortège funéraire grandiose dans les rues de New York. Figure sulfureuse passée plusieurs fois par la case prison. Amateur d’armes suspecté de violences. Bête de scène mégalo menant ses équipes tel un dictateur. Vecteur d’une vraie révolution musicale. Businessman. Toutes ces facettes de James Brown intéressent GET ON UP. Mais aucune d’entre elles n’intéresse vraiment GET ON UP. Ici, le but n’est pas tant de filmer la biographie de James Brown comme si la vie se résumait à une suite logique d’événements successifs. Mais de raconter tous les James Brown. Une différence subtile qui évite au film de sombrer dans la platitude hagiographique. GET ON UP ne cherche donc pas le récit classique et obligé – trauma constitutif, transcendance dudit trauma, démonstration du génie, succès, obstacles, chute, renaissance, « panthéonisation » – et explose toute linéarité pour atteindre une certaine sophistication narrative où chaque pan de la vie de Brown lui offre une nouvelle manière d’écrire sa propre légende, quitte à en devenir le spectateur – comme le prouve une scène fantastique de concert à Paris, où il observe son propre spectacle, en le commentant pour le public. De sauts constants entre les époques, en passerelles malignes entre causes et conséquences ou entre le destin de Brown et l’Histoire américaine elle- même, de pistes lancées avec gravitas – auxquelles on ne répond que trente ou quarante minutes plus tard – en scènes musicales fantastiques érigées en vrais outils narratifs, GET ON UP ne se déroule pas, il papillonne. Et, refusant le « James Brown, sa vie son œuvre » exhaustif, il élude, oublie quelques passages obligés, trébuche sur d’autres (les cartons pédago de fin), pour se concentrer sur la plus belle histoire d’amour du chanteur : Bobby Byrd, ami d’enfance, sauveur et collaborateur privilégié qui, signe de leur lien indéfectible, mourra neuf mois à peine après Brown… Tout ceci livré dans un kaléidoscope furieux de sons, d’images, de chansons, de regards caméra et d’interjections au spectateur où James Brown semble prendre les rênes et se fait conteur démiurgique. C’est qu’il se sent immortel, invincible, juste parce qu’il fut mort-né, avant d’être réanimé par une sage-femme. « Dieu m’a ramené, ce n’est pas pour changer d’avis », dit-il. Dans ce rôle ô combien casse-gueule, propice au cirque grimaçant, Chadwick Boseman, dansant sur le fil ténu de la grandiloquence, livre une prestation insensée, inqualifiable de brio, dont l’énergie électrisante contamine tout le film et lui donne des atours de spectacle vivant dévoilé en live. Tout ça dirigé par… Tate Taylor, réalisateur du sirupeux et consensuel LA COULEUR DES SENTIMENTS. James Brown l’aurait professé à la perfection : les a priori sont faits pour être contredits.

De Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis. États-Unis. 2h19. Sortie le 24 septembre

 

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