LE GARÇON ET LE MONDE : chronique

09-10-2014 - 09:40 - Par

Radicalisme esthétique et portée politique : LE GARÇON ET LE MONDE confirme l’émergence d’une animation brésilienne exigeante.

Tout commence dans un blanc aveuglant et vide. Des touches colorées et naïves de pastels rehaussées au graphite, rappelant l’œuvre de Joan Miró, viennent sertir progressivement l’écran. Peu à peu, l’abstraction devient représentation pour narrer l’histoire du garçon. Son apparence rappelle celle des petits bonhommes des cahiers de dessins de notre enfance avec sa tête ronde; ses membres et cheveux sont réduits à de simples traits, ses yeux à des fentes. Il regarde le monde qui l’entoure avec émerveillement et curiosité. Son quotidien dans la campagne est dépeint comme heureux… jusqu’au jour où joindre les deux bouts apparaît de plus en plus incertain. Son père doit laisser femme et enfant pour aller travailler dans la ville tentaculaire. Son fils ne l’entend pas de cette oreille et part à sa recherche. LE GARÇON ET LE MONDE transpire d’une audace particulièrement réjouissante en ces temps d’uniformisation dans l’animation. Sans user de dialogue, Alê Abreu se tourne vers la dimension sensorielle. Il choisit de s’appuyer sur son patchwork de textures et sa puissante bande-son pour raconter de la manière la plus universelle possible son conte moderne et triste sur l’innocence face à la cruauté du monde, la force des souvenirs quand le monde change. Et pas pour le meilleur. Car l’ennemi que le film a dans le viseur se révèle clairement être la mondialisation. Au fur et à mesure que le héros s’enfonce dans l’enfer urbain, le cadre se complexifie toujours davantage avec l’apparition de collages plus géométriques. Parallèlement, le trait se durcit afin de montrer avec poésie l’aliénation par l’industrialisation et la consommation effrénées. Voilà qui pourrait rappeler le WALL-E de Pixar. Sauf qu’Alê Abreu y apporte une touche plus pessimiste, tant dans l’esthétique que dans la figuration de l’oppression avec ses favelas et ses forces de l’ordre fascisantes. L’art prononcé pour la métaphore visuelle amène souvent LE GARÇON ET LE MONDE à brocarder sans ambiguïté les politiques ultra libérales ayant conduit aux désastres économiques, écologiques et sociaux en Amérique Latine. Il s’attaque de la même manière aux dictatures militaires et aux escadrons de la mort, fantômes de l’Histoire récente. Le cinéaste a peut-être la main un poil trop lourde lors de ces séquences. Aussi, le storytelling très épuré coûte cher au rythme du film. C’est le prix du radicalisme et, probablement, d’un budget serré ; le prix d’une liberté rendant LE GARÇON ET LE MONDE si précieux dans son esthétisme et son jusqu’au-boutisme.

De Alê Abreu. Animation. Brésil. 1h19

 

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