Dossier WHIPLASH – Partie 3 : Interview de Miles Teller

26-12-2014 - 13:02 - Par

Il n’avait jamais mis les pieds en Europe. Rencontrer la presse en France, c’est inédit. Jeune prodige du cinéma indépendant, à l’affiche de WHIPLASH, bientôt dans le gros reboot des QUATRE FANTASTIQUES : la jeune carrière de Miles Teller est prometteuse. Rencontre.

Cette interview a été publiée au préalable dans le magazine Cinemateaser n°40 daté de décembre 2014 / janvier 2015

Dans un premier temps, vous avez refusé WHIPLASH. Pourquoi ?
Je ne cherchais pas de rôle à l’époque, surtout pas de rôle qui me demanderait une implication physique. Je voulais être au calme, peut-être tourner une comédie… Quelque chose de plus léger et marrant à faire. J’aurais aimé ne pas adorer le script de WHIPLASH. Pas de bol ! Vous n’avez jamais de film sur les batteurs, c’était une belle proposition.

Damien Chazelle avait peu d’expérience. La confiance a-t-elle été immédiate ?
Oui, le script était vraiment brillant et c’est toujours par ce prisme que je m’intéresse à un projet. Ce n’était pas bien grave que Damien n’ait pas une grande expérience. Et puis, le fait que Jason Reitman soit producteur du film a été un facteur déterminant dans ma décision. Tout comme l’implication de Blumhouse. S’ils n’avaient pas été du film, peut-être que j’aurais été plus méfiant.

Donc plus que le script, il faut une conjonction de facteurs pour attirer votre attention ?
George Clooney dit souvent : « Vous pouvez faire un mauvais film sur un bon script. Mais vous ne pouvez pas faire un bon film sur un mauvais script. » Je n’ai beau travailler dans ce métier que depuis cinq ans, je sais qu’il a raison. Donc, c’est vrai, tout démarre avec le scénario. Puis le réalisateur. Le nom des producteurs est aussi un indice. Et le nom de mes éventuels partenaires. Quand je fais DIVERGENTE, le fait que Kate Winslet soit au générique m’emballe assez, par exemple. Je l’admire depuis tellement longtemps.

Y a-t-il des films que vous acceptez car ils sont « bons pour votre carrière » ?
Je peux honnêtement dire que non. En revanche, si j’enchaînais les productions indépendantes et que je voulais un appartement plus grand, il faudrait que je me rabatte sur des films moins dramatiques. Car les films qui ont une vraie dimension dramatique sont sur le marché indépendant, aujourd’hui. Heureusement pour moi, j’ai trouvé mon compte dans tous les petits films et les films de studio que j’ai faits. Dans tous les personnages qu’on m’a offerts. Mais je ne cracherais pas dans la soupe si on m’offrait un gros paquet de pognon, hein ! Dans cinq ou dix ans, quand on reparlera, peut-être que j’aurais fait un gros truc ! J’aurais été Ghost Rider ou je ne sais quoi. Là, vous saurez que j’ai accepté des films pour l’argent.

J’ai lu que vous n’étiez pas un gros cinéphile. Que vous préfériez la musique au cinéma…
Je ne sais pas si je préfère, mais lorsque je ne travaille pas et que j’aime laisser mon esprit vagabonder, que je veux prendre du temps pour réfléchir, je ne regarde rien. Je préfère écouter de la musique. Je n’ai jamais été du genre à avoir des étagères remplies de films… Au lycée, je ne me pointais pas chez une nana avec un DVD. La musique m’inspire bien plus.

Est-ce que c’est handicapant, à un moment, de ne pas être cinéphile lorsqu’il faut communiquer avec une équipe ?
Est-ce que c’est important que je révise mes classiques ? Oui, d’un point de vue personnel, c’est certain. Je pourrai ainsi, dans une conversation, lâcher de manière totalement détachée : « Comme dans LE LAURÉAT, non ? ». Ce serait sympa, considéré que maintenant, je fais partie de cette industrie. Après, si le réalisateur avec lequel je travaille… Déjà, je tiens à dire que si je collabore avec un metteur en scène, je regarde tous ses films précédents. D’autant plus si je ne sais pas encore si je veux faire son film, car ils sont alors un bon indicateur… Vous savez, j’ai vu LE PARRAIN il y a un an et demi seulement. J’ai toujours pas vu le deuxième…

Vous êtes ami avec Shailene Woodley et avec Michael B. Jordan et vous faites tous partie de cette nouvelle scène américaine, révélée notamment via le Festival de Sundance. Vous sentez-vous appartenir à une « famille » ?
C’est vrai, j’ai tourné plusieurs fois avec Shailene et Michael, et je me rends compte que je gravite autour des mêmes personnes. Nous travaillons tous de la même manière et nous avons des aspirations similaires. Par exemple, Damien n’a que deux ans de plus que moi et nous avons vraiment apprécié notre collaboration. Shailene, Michael et moi, on se retrouve sur certains films et c’est assez difficile d’avoir des rôles principaux quand on a notre âge. On n’a pas trente ou quarante ans, alors que c’est à ce moment de votre vie que vous avez vraiment l’attention et les rôles. Pour l’instant, nous essayons tous de bien faire notre travail.

Vous avez l’air d’être très attiré par les comédies, qu’elles soient romantiques ou noires. C’est un choix ?
Quand j’ai commencé à jouer dans des clubs d’art dramatique, au lycée, je voulais délivrer quelque chose de très sérieux, et tout le monde s’est mis à rire. Pourtant, jusque-là, je n’avais pas spécialement été attiré par la comédie. Je me souviens de ce moment précis, où je me suis dit : « ça ne va pas le faire, j’ai perdu le public ». J’ai beaucoup travaillé sur une dimension plus dramatique du jeu. Puis, mes agents essayaient bien de m’avoir des rôles dans la comédie, mais je restais pour beaucoup « le gamin de RABBIT HOLE ». Il ne faut pas grand- chose pour qu’on vous mette dans une certaine catégorie. Mais la plupart de mes acteurs préférés sont des gens qui ont montré qu’ils pouvaient faire les deux : Jeff Bridges, Philip Seymour Hoffman, Tom Hanks, Dustin Hoffman. Je pense qu’il faut très tôt montrer un certain éclectisme car c’est difficile de le faire, une fois que vous prenez de l’âge.

LES QUATRE FANTASTIQUES, c’est le genre de films dont on rêve quand on a 22 ans ?
C’est marrant, parce qu’il y a deux ans, je donnais cette interview où je disais à la cantonade : « Y a bien un moment où je vais jouer un super-héros ». C’était obligé : des acteurs excellents comme Andrew Garfield ou Dane DeHaan y sont passés. C’est la renaissance du genre comic book movie… Est-ce que j’aurais voulu être Spider-Man ? Je ne sais pas. C’est une machine bien différente des QUATRE FANTASTIQUES. Là, nous sommes un petit groupe, avec Michael B., Kate Mara et Jamie Bell, qui est un acteur que j’ai toujours beaucoup admiré – j’avais 13 ans quand j’ai vu BILLY ELLIOT. Je sais pas… Pour moi, le projet fait sens. Mais si j’avais dû passer ma vie sans jamais avoir à jouer un super-héros, je crois que je m’en serais remis. Ce n’est pas une consécration. Le projet me plaît parce que nous faisons revivre une franchise qui n’a pas trop cartonné. Je sais que c’est un film qui est a priori clivant : certains sont très excités à l’idée que nous ressuscitions le titre, d’autres se grattent la tête… Mais je crois que le film est super au final. Pour moi, il parlera aux adultes, j’en suis certain.

Vous sentez que les choses changent pour vous ? Qu’il y a une attention particulière à votre égard ?
Je le sens un peu. Il y a un moment dans votre carrière où tous les films que vous acceptez vont à d’autres acteurs plus connus que vous et qui ont une « valeur internationale » plus grande que la vôtre. Apparemment, je n’en ai aucune et j’espère bien que les interviews que je donne aujourd’hui changeront la donne. (Rires.) On dit souvent que la popularité mondiale d’un acteur a environ deux ans de retard par rapport aux États-Unis. C’est une formule un peu étrange… Mais c’est vrai que mon C.V. a un peu plus de gueule maintenant. Je suis heureux de ne jamais avoir été une star du jour au lendemain, de ne pas avoir un film qui a ramassé un tas de dollars et que les gens ne me connaissent que pour ça. Je fais un film qui a une bonne notoriété, puis un autre qui en a aussi un peu… Je suis plutôt fier de ce que j’ai fait jusqu’à présent, parce que ce n’est pas facile pour un jeune acteur de bien diriger sa propre carrière.

WHIPLASH, de Damien Chazelle. En salles
Lire notre critique

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.