50 NUANCES DE GREY : chronique

11-02-2015 - 10:26 - Par

Le voilà, le fameux film qui devait faire vibrer le monde entier…

Alors, le voilà, le fameux film qui devait faire vibrer le monde entier ! Adapté de l’ultra best-seller de E.L James, le film de Sam Taylor-Johnson est attendu au tournant par des millions de lectrices (et quelques lecteurs !). Romans phénomène, aussi bien littéraire que sociologique, la trilogie des aventures érotico-romantico-SM d’Anastasia Steele et du ténébreux Christian Grey a remis l’érotisme à la mode avec un air bon chic, bon genre qui rassure la sacro-sainte ménagère. Avec la transposition cinématographique de ce désormais célèbre « mommy porn », Hollywood compte bien ratisser large. Quitte à faire du « porn » ? Non, hélas, pourrait-on dire ! 50 NUANCES DE GREY (le film) correspond globalement à l’idée préconçue que l’on pouvait en avoir. C’est chic, propre, le doigt sur la couture du soutien-gorge, avec ce qu’il faut de séquences olé olé pour faire lever les yeux au ciel des plus cyniques et rougir les plus prudes. En bon film de studio intelligent, 50 NUANCES ménage tous les publics avec une dextérité assez étonnante. Ainsi, la rapidité et la concision de la mise en place de la romance séduit. Le film ne s’embarrasse pas de chichis et s’amuse de la mijaurée qu’est son personnage principale. Tout n’est qu’attraction, séduction, désir et poses, dans cet univers ultra-glacé, où le luxe fonctionne comme un miroir dans lequel les personnages se reflètent. La bande son, mélange de chansons pop déstructurées et de volutes oniriques de Danny Elfman aide beaucoup à la fluidité sexy du film. Filmé avec une élégance bling-bling, joué avec un mélange d’ardeur et de candeur, le film ménage en permanence les compromis et fait flotter son duo romantique dans un roman-photo gentiment kinky, parfois con-con, mais plutôt charmant. Plutôt qu’un film sur le SM (rassurez-vous, fessées il y a !), 50 NUANCES décrit la rencontre problématique entre une jeune vierge pétrie de fictions romantiques (Jane Austen et Thomas Hardy sont cités dans le film) et un jeune homme qui circonscrit l’amour à un échange de bons procédés. Ici, les pratiques SM ne sont qu’un entre-deux, à mi-chemin entre le geste de consommation et l’abandon romantique. Dans 50 NUANCES DE GREY on peut aussi bien s’évanouir d’amour que débattre autour d’une table à propos du fist vaginal. Cette tension permanente donne au film sa colonne vertébrale et lui permet de mélanger le prosaïsme scandaleux de Grey et la candeur mielleuse d’Anastasia. Si le film n’a hélas pas vraiment de style (on rêve de ce qu’aurait pu faire un De Palma de cette histoire-là), il s’en tire avec les honneurs avec un sens du chic plutôt efficace et une façon toute respectable de prendre son récit au sérieux. Mais le film invite constamment à sourire des tractations de ces amoureux particuliers et même souvent à rire des clichés romantiques d’Anastasia. Reste la question des scènes de sexe. Choquantes ? Non, vraiment pas. Tout public ? Pas franchement non plus. Quelque part entre un Adrian Lyne trop propre et un clip de Rihanna ripoliné, les scènes de nudité sont à la fois frontales et prudes. Si Dakota Johnson paie de sa personne, dans des full frontal relativement crus pour un blockbuster de ce niveau, Jamie Dornan, sorte de Colin Firth passé chez Abercrombie, s’autorise juste un furtif plan de poils pubiens et une paire de fesses. Pas de quoi crier au scandale, ni grimper au rideau, mais juste de quoi émoustiller sans dégât le spectateur averti. Bien conçu, assez séducteur, ce premier volet plutôt honnête permet de lever le voile sur ce qui fait le succès de la saga de Mr. Grey : le combat, assez éternel, du romantisme et de la raison. Dommage que le film ne soit pas plus « fucked up » et qu’il dérive parfois un peu trop vers le mélo explicatif. A l’image de sa scène finale, on aurait aimé un film plus fiévreux, plus dérangé. A défaut, on peut se satisfaire d’un gentil mélo déviant, plus proche d’un épisode de GOSSIP GIRL que du troublant LA SECRETAIRE.

De Sam Taylor-Johnson. Avec Dakota Johnson, Jamie Dornan, Jennifer Ehle, Marcia Gay Harden. 2h05. États-Unis.

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