THE VOICES : chronique

11-03-2015 - 09:53 - Par

Petit coup de cœur pour cette tragi-comédie d’horreur pétulante sur laquelle règne un Ryan Reynolds sur le fil.

Ce qu’on aime chez Ryan Reynolds, c’est son air de ne pas y toucher. Cette faculté assez rare de mettre son visage juvénile au service de personnages paumés, auxquels il prête des expressions naïves et incrédules (de grand benêt parfois) et une grande sensibilité. Après avoir trébuché avec GREEN LANTERN et avant qu’il ne rempile dans le rôle de Deadpool pour le blockbuster éponyme de la Fox, l’acteur américain s’est offert un interlude fascinant, révélant sa curiosité d’artiste : chez Atom Egoyan (CAPTIVES), Canadien né en Égypte de parents arméniens, et maintenant, chez Marjane Satrapi, illustre figure franco- iranienne de la bande dessinée. Grâce à cette dernière, il rajoute à un CV bancal la plus atypique des comédies et peut-être l’un de ses films les plus extrêmes. Reynolds incarne Jerry, péquin d’une petite ville américaine et manutentionnaire dans une PME de base. Lorsqu’arrive la fête annuelle de l’entreprise, Jerry, chargé de la sono, tombe amoureux de Fiona (Gemma Arterton), une collègue qui joue de ses charmes. À la maison, Jerry confie son béguin à son chien et à son chat, ses deux meilleurs copains pas forcément de bon conseil. Ah oui, on a oublié : Jerry est schizophrène. Et les voix dans sa tête (Reynolds les interprète toutes dans une prestation assez jubilatoire) vont le mener à franchir la ligne du meurtre. Et pas le petit meurtre contrôlé du bout des doigts, non. Plutôt la boucherie qui finit avec une tête parlante dans le frigo et des boîtes en plastique remplies d’organes sur le plan de travail. THE VOICES raconte le passage à l’acte, celui qui serait comme une bourde à réparer maladroitement sous peine de se faire punir, celui de Jerry, enfant timide et dangereux, faisant le tour de la question de l’innocence et de la culpabilité, de la morale et de la justice. D’où un film subjectif, raconté par le regard idéaliste d’un homme sous cachetons, dans lequel la vérité surgit parfois, cradingue et cruelle – il faut saluer la direction artistique confinant au génie. Son premier film américain, Marjane Satrapi l’a voulu astucieux, pas dans l’esbroufe. Radical, pas consensuel. Simple, pas sorcier. Artisanal et non technologique. Loin du long-métrage concept et gadget cependant, THE VOICES est une invitation dans le mental d’un malade, qui n’existe que dans le faux film de sa vie, et qui, après en avoir été le spectateur, veut en devenir l’acteur. Au-delà de tout l’artifice rose bonbon, de ces filles en goguette et de ces parties de karaoké rigolotes, il y a un deuxième film, moins coquet, plus poignant, sur un homme en perpétuelle abdication face au réel.

De Marjane Satrapi. Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick. États-Unis / Allemagne. 1h43. Sortie le 11 mars

 

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