SELMA : chronique

11-03-2015 - 09:56 - Par

Retour sur les marches de Selma, symboles de la lutte de Martin Luther King pour le droit de vote des Noirs.

Alors que depuis 1964, la ségrégation a été abolie aux États-Unis, dans certains États, les Noirs n’ont pas encore accès aux urnes. Intimidations, dissuasions… À Selma, en Alabama, seuls 2% de la communauté afro-américaine sont inscrits sur les listes électorales et peu d’entre eux peuvent exercer leur droit de vote. En 1965, Martin Luther King s’empare de cette ville-symbole pour organiser une marche jusqu’à Montgomery et forcer le Président Lyndon Johnson à signer le Voting Rights Act. Mais à la Maison Blanche, le combat contre la pauvreté est la prérogative. Le bras de fer démarre entre un chef d’État obstiné et une organisation pacifiste qui se bat pour que la démocratie soit enfin accessible à tous. Entre des associations étudiantes plus vindicatives, un Malcolm X inspirant la crainte et d’innommables violences policières (parfois mortelles), la marche de Selma s’organise péniblement. Ce retour sur une période sombre des États-Unis n’avait jamais été fait au cinéma auparavant. C’est une erreur réparée aujourd’hui avec ce SELMA déroulant les événements avec force pédagogie et une volonté féroce de dresser le portrait exhaustif d’une des figures les plus importantes de l’Amérique moderne. C’est donc un récit exemplaire qui soutient le film. De ce qui meut les personnages aux buts de tous les combats, SELMA est d’une limpidité admirable et le cours d’Histoire – même s’il est controversé dans certains faits, voir p.78 – est magistral. D’aucuns reprochent au film un manque d’audace : il y a effectivement un côté classique, très symptomatique du genre biopic, qui peut calmer les ardeurs. Mais peut-on vraiment reprocher à Ava DuVernay, la réalisatrice, de vouloir mettre en avant son histoire sans autres effets de manche ? En tout cas, elle évite l’hagiographie, se heurte même aux problèmes d’adultère qui ont failli avoir la peau du mariage de King. De plus, si ce n’est pas dans la structure qu’il faut chercher la virtuosité, c’est plutôt dans ce talent que déploie DuVernay pour exalter la lutte collective pour la liberté, sans mépriser le rôle de personne d’un camp ou de l’autre, et pas la seule obsession d’un homme (pourtant totalement prisonnier de sa mission). Elle a su retranscrire, 50 ans après, l’injustice et le climat délétère qui régnaient alors, raconter l’adhésion progressive des Blancs à la cause de Martin Luther King et décrire comment ce combat n’était pas un combat communautaire mais pour la démocratie. En tête d’affiche, le majestueux David Oyelowo, dans un de ces rôles d’une importance rare, mène le film avec une conviction contagieuse.

D’Ava DuVernay. Avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo. États-Unis. 2h02. Sortie le 11 mars

 

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